Israël reconnaît réduire l’approvisionnement en eau de la Cisjordanie, mais accuse l’Autorité palestinienne
22 juin | Amira Hass
D’après Israël, l’intense vague de chaleur sur la région associée à un refus de l’Autorité palestinienne de l’eau d’accepter une infrastructure supplémentaire ont fait que de « vieilles et limitées canalisations sont devenues incapables de transférer toute l’eau nécessaire ».
Depuis le début de ce mois, des dizaines de milliers de Palestiniens souffrent des conséquences graves d’une réduction drastique de l’eau qui leur est fournie par Mekorot, la compagnie de l’eau d’Israël.
Dans la région de Salfit en Cisjordanie et dans trois villages à l’est de Naplouse, les maisons n’ont plus d’eau courante depuis plus de deux semaines. Des usines ici ont dû fermer, des jardins et des pépinières ont été anéantis, et des bêtes sont mortes de soif ou dû être vendues à des agriculteurs de l’extérieur des régions touchées.
Les gens ont improvisé en tirant de l’eau des puits agricoles, ou en achetant de l’eau minérale ou encore en payant de l’eau amenée dans de grandes citernes, pour leur usage domestique et pour leur bétail. Mais acheter de l’eau dans ces conditions est extrêmement coûteux.
Des responsables de l’Autorité palestinienne de l’eau ont déclaré à Haaretz que des gens à Mekorot leur avaient dit que les réductions dans l’approvisionnement allaient durer tout l’été. Certains Palestiniens disent avoir été informés par les Israéliens qu’il y a une pénurie d’eau, et que tout doit être fait pour s’assurer que les réservoirs locaux (ceux situés dans les colonies) restent remplis afin que la pression nécessaire puisse être maintenue pour répartir l’eau par les canalisations qui conduisent aux autres colonies et aux communautés palestiniennes.
Les agents municipaux palestiniens indiquent que des travailleurs palestiniens de l’Administration civile israélienne, qui sont envoyés pour régler les quantités d’eau dans les canalisations de Mekorot, leur ont dit que les réductions d’eau étaient faites pour répondre à la demande en eau des colonies, une demande qui est à la hausse en période de chaleur. Des réductions similaires avaient été initiées dans cette même région l’an dernier, quand de graves interruptions dans l’approvisionnement en eau s’étaient produites durant le Ramadan.
Mekorot n’a pas répondu aux questions, s’en rapportant auprès d’Haaretz à l’Autorité de l’eau et au ministère des Affaires étrangères d’Israël. Uri Shor, porte-parole de l’Autorité israélienne de l’eau, a écrit que les quantités d’eau qu’Israël vend aux Palestiniens dans toute la Cisjordanie, dont la région de Salfit, avaient augmenté au fil des années.
« Une pénurie localisée de l’eau s’est développée pour les Israéliens et les Palestiniens dans le nord de la Samarie, et elle provient de la consommation particulièrement élevée en raison de la chaleur intense dans la région », écrit Schor. Et d’ajouter que la pénurie s’est développée parce que l’Autorité palestinienne de l’eau refuse de donner son accord pour une infrastructure supplémentaire en Cisjordanie, au Comité commun de l’eau, « ce qui fait que les vieilles et limitées canalisations sont devenues incapables de transférer toute l’eau nécessaire à la région ».
Selon une information émanant de la sécurité israélienne, les colonies se plaignent également de la pénurie d’eau.
Les Palestiniens nient traîner les pieds, ils disent que l’eau va aux colonies.
Un haut responsable de l’Autorité palestinienne de l’eau a nié que les Palestiniens traînaient les pieds et qu’ainsi ils contribuaient à la pénurie de l’eau.
« L’Autorité israélienne trompe le public », dit-il. « Les canalisations n’ont pas besoin d’être augmentées. L’USAID, par exemple, vient de terminer la nouvelle canalisation à Deir Sha’ar pour desservir la population d’Hébron et de Bethléhem. Il faut qu’Israël augmente le taux de pompage de la station de Deir Sha’ar et plus d’un demi-million de Palestiniens pourront recevoir leur part équitable.
« Israël, cependant, a présenté un projet visant à augmenter les dimensions de la canalisation qui dessert les colonies israéliennes de la région de Tekoa, et l’Autorité israélienne de l’eau fait du chantage auprès de l’Autorité palestinienne pour qu’elle accepte le projet israélien en échange d’une augmentation de l’eau à partir de la station d’amplification de Deir Sha’ar ».
Schor cite des exemples des mois de janvier à mai au cours des quatre dernières années qui montrent qu’il y a eu effectivement une augmentation dans les quantités d’eau fournies aux districts de Salfit et Naplouse, passant de 2,7 millions de mètres cubes en 2013, à 3,48 millions cette année.
Mais les dossiers internes de l’Autorité palestinienne de l’eau montrent qu’en mai de cette année, il y a eu une réduction de l’eau fournie à la ville de Bidya, 12 000 habitants, passant de 50 470 m3 en mars, à 43 440 en mai. En mai de l’an dernier, Bidya recevait 45 000 m3.
Dans la ville de Qarawat Bani Hassam, la consommation en mai a été supérieure à celle de mars (17 000 m3 contre 15 000), mais en mai de l’année dernière, la consommation montait à 20 000 m3, et selon un responsable palestinien, on ne peut pas expliquer cette baisse dans l’utilisation autrement que par une baisse dans la fourniture. En attendant, la réduction dans l’alimentation en juin a été beaucoup plus brutale – jusqu’à 50 % par heure.
Les Accords d’Oslo, qui ne devaient rester en vigueur que jusqu’en 1999, ont maintenu le contrôle israélien sur les sources aquifères de Cisjordanie et instauré une discrimination sur la façon dont l’eau est divisée. Selon les Accords, Israël récupère 80 % de l’aquifère des monts de Cisjordanie, tandis que le reste va aux Palestiniens. Les Accords ne fixent également aucune limite à la quantité d’eau qu’Israël peut s’attribuer, mais ils limitent les Palestiniens à 118 millions de m3 depuis les puits qui existaient avant les Accords, et à 70-80 autres millions à partir de nouveaux forages.
Pour divers raisons techniques et échecs inexpliqués dans les forages sur le bassin oriental de l’aquifère (le seul endroit où les Accords autorisent les Palestiniens à faire des forages), en pratique les Palestiniens récupèrent moins d’eau qu’il ne leur en ait fixé par les Accords. Selon B’Tselem, depuis 2014, les Palestiniens n’obtiennent que 14 % de l’eau de l’aquifère. Voilà aussi pourquoi Mekorot vend aux Palestiniens le double de la quantité d’eau stipulée aux Accords d’Oslo – 64 millions de m3, contre 31 millions.
Selon le coordinateur de l’activité gouvernementale dans les Territoires (COGAT), « en raison de l’augmentation de la consommation d’eau en été, il est nécessaire d’en gérer et d’en contrôler le flux pour permettre l’approvisionnement le plus élevé possible à l’ensemble des populations. Vu le problème, le chef de l’Administration civile a approuvé une disposition d’urgence pour que la plate-forme de forage d’Ariel 1 augmente les quantités d’eau pour les habitants du nord de la Samarie, en insistant sur la région de Salfit ; 5 000 autres m3 d’eau par heure ont également été approuvés pour les collines au sud d’Hébron ».
Le coordinateur note aussi que l’Administration civile doit batailler contre les vols dans les conduites d’eau qui conduisent aux communautés palestiniennes. Rien qu’hier, dit-il, il a été découvert deux vols d’eau sur un pipeline qui alimente la région de Salfit.