Gidéon Levy – Alors que la guerre fait rage à Gaza, la Cisjordanie s’est métamorphosée

Au cours des six derniers mois, la Cisjordanie occupée a connu une métamorphose. La guerre a éclaté dans la bande de Gaza, mais la « punition » infligée à la Cisjordanie pour les événements du 7 octobre n’a pas tardé. Il n’est pas nécessaire d’avoir l’œil particulièrement aiguisé pour remarquer la révolution sur le terrain. Il n’est pas nécessaire d’être particulièrement perspicace pour comprendre qu’Israël et les communautés de colons ont exploité le sombre cauchemar de la guerre pour modifier la situation en Cisjordanie: pour intensifier l’occupation, étendre les périmètres des colonies, supprimer les dernières limites dans les interactions avec la population palestinienne et les laisser se déchaîner, le tout loin des yeux du monde.

Il est impossible de surestimer la profondeur et l’ampleur des changements intervenus en Cisjordanie au cours de ces derniers mois. La plupart d’entre eux, sinon tous, sont probablement irréversibles. La combinaison d’une guerre menée contre les Palestiniens, bien qu’à distance de la Cisjordanie, d’un gouvernement extrémiste de droite radicale dans lequel les colons occupent des positions qui leur donnent un pouvoir décisif sur l’occupation, de la montée en puissance de milices de colons armées et en uniforme et de l’indifférence générale de l’opinion publique a conduit à une nouvelle situation. Dans ces circonstances, la vulnérabilité des Palestiniens ne fait que jeter de l’huile sur le feu. Cet incendie considérable fait rage, mais le regard de tous est dirigé loin de là, vers les champs de la mort entre la ville de Gaza et Rafah. Pourtant, peut-être plus encore qu’à Gaza, les répercussions de la révolution qui se déroule en Cisjordanie ne se limiteront pas à ce territoire. Elles s’infiltreront profondément dans tous les coins d’Israël.

Certains changements sont immédiatement visibles pour quiconque se déplace en Cisjordanie, d’autres le sont moins. La Cisjordanie est fermée et assiégée. Pratiquement toutes les villes et tous les villages palestiniens ont certaines routes d’accès, voire plusieurs, qui ont été fermées. En effet, la plupart des portes d’entrée grillagées, omniprésentes dans ces localités, ont été verrouillées par les Forces de défense israéliennes dès le 8 octobre. Avec un tel système de portes et d’autres barrières, un verrouillage total de la Cisjordanie peut être mis en place en peu de temps. Résultat ? La vie est devenue intolérable pour trois millions de personnes. Ce n’est pas seulement le temps perdu dans les déplacements prolongés d’un endroit à l’autre; c’est aussi le fait que l’on ne sait jamais si l’on arrivera à destination suite aux attentes pénibles et aux indignités subies dans les points de contrôle (checkpoints).

Aux portes verrouillées se sont ajoutés des dizaines de barrages routiers ad hoc érigés par les soldats. Ils apparaissent et disparaissent soudainement. Lorsqu’ils sont en place, la circulation devient un cauchemar pour tout Palestinien qui s’y heurte. La Cisjordanie est revenue près d’un quart de siècle en arrière, à l’époque de la seconde Intifada, mais cette fois sans l’Intifada.

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Un ami dont le père, âgé de 105 ans, est décédé cette semaine – et qui vit dans un village près de Tul Karm – a dit à sa famille et à ses amis de ne pas s’embarrasser de la coutume de rendre une visite de condoléances, parce que la circulation à l’entrée et à la sortie de cette ville va du cauchemar à l’impossibilité en raison de l’abondance des points de contrôle locaux. Au lieu de cela, il s’est rendu à Ramallah pour une journée afin de recevoir des visiteurs.

Quelque 150 000 Palestiniens de Cisjordanie qui étaient légalement autorisés à travailler en Israël n’ont plus le droit de le faire depuis le 8 octobre. Les conséquences pour l’économie palestinienne (et israélienne) sont évidentes. De même, les conséquences de l’inactivité forcée de dizaines de milliers de personnes sont tout aussi claires et prévisibles. Une autre source de revenus pour de nombreux Palestiniens – la récolte des olives – a également été bloquée par la guerre. Les oliveraies jouxtant les colonies sont désormais totalement inaccessibles aux Palestiniens, même pas par le biais d’une « coordination » avec les autorités israéliennes, comme cela était possible les années précédentes. Résultat : environ un tiers de la récolte est resté sur les arbres à un moment où la plupart des autres revenus ont disparu.

Quel est le lien direct entre la récolte des olives en Cisjordanie et la guerre à Gaza ? Il n’y en a pas, mais la guerre a apparemment offert une grande opportunité aux colons et à leurs partenaires au sein du gouvernement. Une occasion que les colons de Cisjordanie n’attendaient que pour malmener des Palestiniens en toute impunité, leur rendre la vie intolérable, les déposséder et les humilier jusqu’à ce qu’ils s’enfuient ou soient chassés. Peut-être est-ce la raison pour laquelle les colons semblaient particulièrement joyeux cette semaine, à l’occasion de la fête [23-24 mars] de Pourim ?

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L’un des phénomènes les plus graves concerne les autorités israéliennes qui empêchent les Palestiniens d’accéder à leurs terres et d’y travailler, parfois en prévision d’une expulsion. Dror Etkes, de l’organisation non gouvernementale Kerem Navot, qui surveille les politiques foncières d’Israël dans les territoires occupés, estime que les Palestiniens ont été privés d’au moins 100 000 dunams (25 000 acres, environ 101 km2) de pâturages et de terres agricoles depuis le 7 octobre – et il s’agit là d’une estimation précautionneuse, ajoute-t-il.

Dans le même temps, un transfert silencieux de population se poursuit, petit à petit mais systématiquement, en particulier pour les habitants les plus faibles – ceux des communautés pastorales, principalement – aux deux pôles de la Cisjordanie: la vallée du Jourdain au nord et les collines du sud de l’Hébron de l’autre côté. Dror Etkes, qui a une connaissance inégalée des colonies, note que les habitants de 24 communautés ont été expulsés ou forcés de quitter leurs maisons et leurs terres à cause de la terreur exercée par les colons depuis le 7 octobre. Tous les habitants de 18 d’entre elles ont fui, tandis que dans les six autres, seuls quelques habitants se sont sentis obligés de partir. Un transfert de population, bien que clandestin.

Il y a plusieurs mois, dans un article a fait état de l’une de ces enclaves abandonnées: Il était déchirant de voir les habitants emballer et charger leurs maigres biens dans quelques vieilles camionnettes, y compris leurs troupeaux, quittant, probablement pour toujours, la terre sur laquelle eux et leurs ancêtres sont nés, en direction d’un monde inconnu.

Un autre acte criminel a été révélé lorsque nous avons documenté la confiscation à leurs propriétaires de 700 moutons, confiscation effectuée par des colons-soldats sur ordre du Conseil régional de la vallée du Jourdain qui n’a techniquement aucune autorité coercitive sur les résidents palestiniens locaux. Le groupe de bergers misérables a été contraint de payer immédiatement 150 000 shekels (environ 41 000 dollars) pour récupérer son troupeau – une somme énorme qui est allée directement dans les coffres des colons. Quelques semaines plus tard, Hagar Shezaf, dans Haaretz, a rapporté que le conseiller juridique de l’administration civile – le bras local du gouvernement militaire israélien – a déclaré illégale l’action odieuse et méprisable des colons.

Le fait que des hordes de colons aient revêtu l’uniforme des FDI ne semble avoir fait qu’accroître leur violence. Au cours des derniers mois, les « escouades de sécurité d’urgence » créées à l’occasion de la guerre dans pratiquement toutes les colonies et tous les avant-postes, ainsi que la mobilisation de milliers de colons réservistes suite à un décret d’urgence, leur ont apparemment donné le droit d’intensifier leurs actes de violence contre les Palestiniens en tant que seigneurs de la terre, représentants ostensibles de la loi et de l’Etat. De nombreux Palestiniens ont décrit des incidents au cours desquels les colons ont déclenché de véritables pogroms, arrivant soudainement en uniforme dans des véhicules tout-terrain, semant la violence, faisant en sorte que les habitants se sentent encore plus impuissants. Il n’y a apparemment personne pour protéger les communautés pastorales, à l’exception d’une poignée de volontaires israéliens qui cherchent à obtenir justice.

Dror Etkes mentionne au moins 11 avant-postes [d’une colonie future] établis sans permis au cours des six derniers mois, dont deux sur des terres que les bergers palestiniens ont fuies ou dont ils ont été expulsés. Cette semaine, il en a découvert un autre. Le site d’information anti-occupation Local Call a rapporté que dix jours après avoir commencé à construire un avant-poste à proximité, les colons ont effrayé les habitants de l’une de ces communautés, qui ont fui en masse.

Un avant-poste de ce type n’est parfois rien de plus qu’une ferme – une cabane abritant quelques gangsters violents dont le seul but est de faire fuir les Palestiniens. Récemment, leur tâche a été rendue encore plus facile. Un rapport intérimaire établi par Dror Etkes, pour marquer six mois de guerre, fait état d’au moins dix routes, d’un certain nombre de vastes étendues de terre clôturées et même de barrages routiers, tous créés par les colons sans autorisation. De plus, le gouvernement israélien a déclaré terre d’Etat 2640 dunams près de la colonie urbaine de Ma’aleh Adumim, et 8160 dunams dans la ville d’Aqraba, près de Naplouse [1].

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Des centaines de Palestiniens, principalement des enfants et des adolescents, ont été tués, la plupart sans raison apparente. Les soldats déployés en Cisjordanie semblent avoir la gâchette plus facile qu’auparavant. Peut-être sont-ils envieux de leurs camarades de Gaza, qui sont apparemment autorisés à tuer des gens sans discernement ? Les habitants de Cisjordanie ont-ils envie de se comporter comme eux, de se venger des Palestiniens en tant que tels, à cause des horreurs du 7 octobre ? Les FDI et la police des frontières ferment-elles plus qu’avant les yeux sur les événements violents qui se déroulent en Cisjordanie ?

Les données que nous présentons ci-dessous parlent d’elles-mêmes. La main sur la gâchette est légère et les commandants des FDI ainsi que le public israélien sont apathiques. Mais quiconque pense que cette violence de masse apparemment autorisée et que les morts resteront à l’intérieur des frontières de la Cisjordanie risque de se tromper.

En ce qui concerne les cas d’assassinats, beaucoup semblent non provoqués et criminels. Le 8 octobre déjà, des soldats ont tué Yasser Kasba, 18 ans, qui, selon l’armée, avait lancé un cocktail Molotov – personne n’a été blessé et il n’a mis personne en danger – au point de contrôle de Qalandiyah, près de Jérusalem. La fusillade a été retransmise en direct par la chaîne états-unienne de télévision par satellite en langue arabe Alhurra. Kasba a reçu une balle dans le dos alors qu’il s’enfuyait.

Cet incident a ouvert les vannes. Au cours des deux mois suivants, 31 personnes ont été tuées dans la région de Ramallah, dont une mère de sept enfants, sous les yeux de son mari et de ses enfants ; 42 personnes ont été tuées dans la région de Tulkarem au cours des six premières semaines, dont un handicapé mental de 63 ans et un adolescent de 15 ans qui a reçu deux balles dans la tête. Jusqu’à la fin du mois de février, 396 personnes au total ont été tuées en Cisjordanie, dont 100 enfants et adolescents – la grande majorité par des soldats – selon des données soigneusement vérifiées recueillies par l’organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem. Plus de la moitié des mineurs, note B’Tselem, ont été tués dans des circonstances qui ne justifiaient pas l’utilisation d’armes létales.

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Les jeunes résidents de Cisjordanie commencent à rédiger des documents qui ressemblent à leurs dernières volontés. Nous en avons rapporté un le mois dernier – celui d’Abdel Rahman Hamad, presque 18 ans, dont le rêve était d’étudier la médecine (Haaretz, 17 février 2024). Il a laissé des instructions détaillées sur ce qu’il faudrait faire s’il était tué : « Ne me mettez pas dans le réfrigérateur de la morgue », a-t-il écrit. « Enterrez-moi immédiatement. Allongez-moi sur mon lit, couvrez-moi de couvertures et transportez-moi pour l’enterrement. Lorsque vous me descendrez dans la tombe, restez à mes côtés. Mais ne soyez pas triste. Ne vous souvenez que des beaux moments que vous avez de moi et ne vous lamentez pas sur mon sort. »

Il y a également eu d’autres incidents. Deux jeunes de nationalité américaine ont été tués en l’espace de quelques semaines. Le jeune qui a été renversé de son vélo par une jeep militaire et abattu à bout portant. Les soldats et les colons qui, probablement ensemble, ont tiré une dizaine de balles sur un véhicule transportant deux jeunes en excursion, tuant l’un d’entre eux. Les 32 balles qui ont percuté une voiture transportant une famille – au cours de la poursuite par les forces de sécurité d’un véhicule qui avait franchi un poste de contrôle sans s’arrêter – tuant une fillette de 5 ans, dont le corps n’a été remis à la famille que 10 jours plus tard.

Un missile a tué sept jeunes hommes, dont quatre frères, à l’extérieur de Jénine. Un autre missile, tiré sur le centre du camp de réfugiés de Nur Shams [gouvernorat de Tulkarem], a tué six personnes et en a blessé sept, qui se sont vu refuser un traitement médical pendant plus d’une heure. Deux jeunes ayant des besoins spéciaux ont également été touchés, dont l’un mortellement. Trois frères qui rentraient chez eux après avoir cueilli des akoub, plantes comestibles ressemblant à des chardons, du côté israélien de la barrière de séparation, ont été victimes d’une chasse à l’homme au cours de laquelle les soldats ont tué deux des frères, blessé le troisième, puis arrêté un quatrième qui est arrivé sur les lieux plus tard. Tout aussi choquant est l’incident du garçon de 10 ans qui a été abattu dans le pick-up de son père et qui est tombé dans les bras de son frère de 7 ans, mort.

Et un mot sur les arrestations massives, dont on ne connaît même pas l’ampleur exacte. Au cours des deux premiers mois de la guerre, 4 785 personnes ont été arrêtées en Cisjordanie, selon les Nations unies. L’une d’entre elles, Munther Amira, était un détenu administratif (incarcéré sans procès), dont l’histoire, marquée par la torture, les coups et les humiliations à la prison d’Ofer, le « Guantanamo » israélien, a été racontée ici la semaine dernière [voir sur ce site la traduction, le 23 mars, de cet article]. Même cette prison cruelle avait un aspect très différent avant que la guerre n’éclate à Gaza. 

[1] Le 22 mars, lors de la visite du secrétaire d’Etat Antony Blinken, le ministre des Finances Bezalel Smotrich annonçait cette importante saisie de terre – la plus ample depuis la dite paix d’Oslo de 1993 – et la qualifiait « d’une nouvelle mesure spectaculaire et importante pour la colonisation » juive en Cisjordanie. (Réd)

Gideon Levy et Alex Levac
Article publié par Haaretzle 30 mars 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/moyenorient/palestine/alors-que-la-guerre-fait-rage-a-gaza-la-cisjordanie-sest-metamorphosee.html

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2024-03-28 – Gaza : enquête sur le juteux business des passeurs

Pour mettre leurs proches à l’abri en Égypte, deux médecins franco palestiniens ont dû payer des sommes extravagantes à une agence de voyages. Un racket lucratif, qui prospère grâce à l’inaction des services consulaires français.

Publié le 28 mars 2024

Elisabeth Fleury

 

« Le problème, c’est qu’une fois qu’on a donné les identités de nos proches, on ne sait pas entre quelles mains elles peuvent tomber », explique Marwan, médecin franco palestinien.
AFP

Pour sa vieille maman, 6 500 euros. Pour son frère, son épouse et leur fils aîné, 18 000 euros. Pour chacun de leurs quatre enfants, tous âgés de moins de 16 ans, 3 000 euros. Pour sa nièce, dont il a la charge depuis la mort de son frère, et la mère de celle-ci, 10 000 euros.

Pour sa sœur et son époux, leur fils aîné et sa femme, ainsi que leurs deux fillettes, 32 500 euros. Ahmed 1, installé en France comme cardiologue depuis la fin des années 1980, a déboursé 79 000 euros pour que seize de ses proches, qui ont tout perdu depuis le 7 octobre, puissent franchir la frontière séparant Rafah de l’Égypte. Marwan, autre médecin franco palestinien exerçant en France, a déboursé 10 000 euros pour sa mère, impotente, et sa sœur.

Des tarifs qui ont quintuplé

Ces sommes, il a fallu les payer en liquide à Hala Consulting and Tourism. Une agence de voyages égyptienne, spécialisée dans ce business lucratif, que les Gazaouis connaissent depuis des années : propriété de l’homme d’affaires et milicien Ibrahim El Argani, proche de la famille Al Sissi et des services de renseignements égyptiens, cette officine est la principale pourvoyeuse des précieux sésames entre Gaza et l’Égypte. Ses tarifs, déjà élevés avant le 7 octobre, ont quintuplé depuis.

Des heures d’attente devant la petite porte de l’agence pour obtenir, finalement, un bout de papier et, contre le cash et la photocopie de leurs papiers d’identité, la promesse de voir ses proches bientôt inscrits sur une liste. « Il faut compter un mois d’attente, environ », dit Ahmed.

Détenteurs de passeports égyptiens, malades, étudiants… chaque groupe a sa propre filière, plus ou moins coûteuse, plus ou moins efficace. « Certains passent directement par des militaires ou des gardes-frontières égyptiens. Mais c’est plus aléatoire », affirme Ahmed. Avec Hala, assure-t-il, le passage est garanti. « Et même si le nombre d’intermédiaires varie, les prix sont fixes. » « Le problème, tempère Marwan, c’est qu’une fois qu’on a donné les identités de nos proches, on ne sait pas entre quelles mains elles peuvent tomber. »

« Par souci de sécurité », il a fait lui-même le voyage Paris-Le Caire pour remettre l’argent, en main propre, au guichet de l’agence. Ahmed, lui, a fait intervenir une relation sur place. Pour réunir les sommes exigées, certains sollicitent la générosité de donateurs anonymes via les réseaux sociaux et les cagnottes en ligne. Sur le site GoFundMe, les appels au secours se multiplient. Désespérés. Invérifiables.

« On ne réclame pas une faveur mais le respect d’un droit : celui de vivre en sécurité, ici, avec nos proches. »

D’autres, bien que fous d’inquiétude, refusent d’alimenter ce business honteux et accentuent la pression sur les services consulaires. Pendant ce temps, de l’autre côté de la frontière où l’on s’abrite des bombes sous des tentes, où le kilogramme de pommes de terre atteint 17 euros, les candidats au départ comptent les heures.

Une organisation bien rôdée sur WhatsApp

Tous les jours, environ 300 personnes sortiraient de Gaza via la « filière Hala », estime Ahmed. Comme Marwan, pendant des semaines, il a guetté les listes de noms publiées quotidiennement sur le groupe « les frontières de Rafah », la boucle WhatsApp mise en place par l’agence. « Chaque filière a son groupe, chaque groupe publie quotidiennement ses listes. » Quand son nom apparaît enfin, l’intéressé n’a plus qu’à prendre sa valise et à rejoindre le poste-frontière où un bus l’attend, direction Le Caire. « En janvier, Internet a été inaccessible pendant sept jours d’affilée, dit Marwan. On devenait fous. »

Une fois au Caire, c’est la débrouille. Ahmed a les moyens de louer quatre appartements en centre-ville, dans lesquels sa famille se partage une dizaine de chambres. Les quatre loyers, autour de 600 euros mensuels chacun, viennent s’ajouter à l’addition générale.

« Les Égyptiens nous sucent le sang jusqu’à la dernière goutte », résume le médecin. Marwan, lui, a fait le déplacement jusqu’au Caire pour pouvoir serrer sa vieille maman dans ses bras avant de retourner en France, le cœur gros. L’octogénaire partage un studio avec sa fille, infirmière de profession, qui ne la quitte pas d’une semelle. « Elles se font livrer les repas, elles ne sortent pas. »

Pendant les quatre premiers mois de l’offensive israélienne, comme beaucoup de Franco-Palestiniens, Ahmed et Marwan ont assailli la cellule de crise du consulat français de Jérusalem. « Ils répondent très vite, mais ils ne font rien. » On les rassure, on leur réclame les papiers de leurs proches, ils les envoient… et c’est la douche froide. La mère d’Ahmed « n’est pas éligible au départ, affirme le consulat. Seuls les enfants et les conjoints des ayants droit peuvent bénéficier d’une évacuation ».

Marwan, lui, obtient le droit de faire sortir sa mère, mais pas sa sœur. « Or, sans elle, ma mère ne peut rien faire. » Ahmed prend l’habitude, chaque lundi, d’écrire au consulat. « Nous poursuivons nos efforts. » « Nous vous informerons dès que nous aurons des éléments nouveaux. » « Si les critères changent, nous vous tiendrons informé », répond son anonyme interlocuteur qui, systématiquement, conclut ses messages d’un « Cordialement. La cellule de crise ».

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En mars, après avoir payé le prix fort, Ahmed et Marwan ont enfin mis leurs proches à l’abri au Caire. « Ils ne risquent plus d’être tués, c’est le principal », souffle Ahmed. Marwan, entre deux consultations, se démène pour tenter d’obtenir un visa pour sa sœur. « C’est comme si nous demandions l’impossible », constate-t-il désespéré. La réponse doit tomber dans les prochains jours. « On s’attend à tout. »

Mardi dernier, une cousine d’Ahmed, restée à Rafah, a été tuée par un bombardement avec sa fille de 18 ans, tout juste bachelière. Quatre jours plus tard, on est toujours sans nouvelles de son mari et de leurs quatre autres enfants. Marwan pense à ses frères et sœurs restés de l’autre côté de la frontière, qu’il n’a pas eu les moyens de faire venir en Égypte. « Ce qu’on vit est un cauchemar. On travaille en France, on y paie nos impôts. On ne réclame pas une faveur mais le respect d’un droit : celui de vivre en sécurité, ici, avec nos proches. »

  1. Les prénoms ont été modifiés ↩︎

Gaza : « Quand j’ai ma mère au téléphone, j’entends les tirs, les bombes »

Constituées en collectif, une quinzaine de familles franco palestiniennes espèrent accélérer les procédures d’évacuation de leurs proches.

Monde

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Publié le 28 mars 2024Mis à jour le 28 mars 2024 à 18:40

Elisabeth Fleury

 

À Jérusalem comme au Caire, les ambassades se déclarent incompétentes pour délivrer des visas.
AFP

Il y a ceux qui ont les moyens de payer des passeurs égyptiens. Et puis, il y a les autres. Ceux qui, par principe, refusent d’alimenter ce racket. Et ceux qui n’ont pas de quoi débourser les sommes nécessaires. Depuis six mois, ces Franco Palestiniens là vivent la pire des angoisses.

Chaque matin, au réveil, ils se demandent si ceux qu’ils aiment sont encore vivants. Chaque jour, ils se désespèrent de leur impuissance à leur venir en aide. « Quand j’ai ma mère au téléphone, j’entends les tirs, les bruits des bombes, raconte Amina 1, dont la famille vit depuis cinq mois sous des tentes à RafahElle me demande ce que je fais, pourquoi rien ne bouge, pourquoi elle est toujours bloquée là-bas. J’essaie de la rassurer mais je lui mens. En réalité, aucune de mes démarches n’aboutit jamais. »

D’abord sidérés par l’attaque du Hamas et l’ampleur de la riposte israélienne, les Franco Palestiniens installés en France se sont rapidement tournés vers la cellule de crise du consulat général à Jérusalem. Des échanges courtois mais sans effet. « Quasiment aucun d’entre nous n’a pu faire évacuer ses proches par ce biais », explique Adam S., qui a perdu trois membres de sa famille dans les bombardements.

Une situation d’autant plus inexplicable qu’une opération d’évacuation a été rondement menée, en février dernier, pour les 42 salariés de l’Institut français de Gaza et leur famille.  « Du jardinier au directeur, quel que soit leur type de contrat, quelle que soit leur nationalité, ils ont tous été rapatriés en France, s’étonne Adam. À nous, qui sommes franco palestiniens, on nous répond que c’est impossible. »

Des demandes restées lettres mortes

À Paris, le ministère de l’Intérieur est aux abonnés absents. Le Quai d’Orsay, après avoir promis des évacuations, multiplie les réponses laconiques. À Jérusalem comme au Caire, les ambassades se déclarent incompétentes pour délivrer des visas. « Tout le monde se renvoie la balle », constate Amina.

Leurs démarches individuelles ayant échoué, une quinzaine de ces Franco Palestiniens ont décidé de se regrouper, la semaine dernière, en un « collectif de ressortissants français demandant l’évacuation de leur famille de la bande de Gaza depuis octobre 2023 ».

Courriers, relances, alertes médiatiques… avec le soutien d’une poignée d’avocats, ils tentent de briser le silence. « Nos familles endurent des conditions de vie extrêmement précaires, ont-ils écrit au Quai d’Orsay. Chaque jour qui passe aggrave leur vulnérabilité. » Un article de Mediapart leur a appris que le blocage se situait Place Beauvau. « Il paraît qu’ils ciblent les demandes d’évacuation, ironise Amina. Il leur faut trois mois pour se rendre compte que ma mère, à 80 ans, n’est pas une terroriste ? »

L’ambassade de France au Caire ayant refusé d’enregistrer sa demande de visa, la jeune femme vient de saisir le tribunal administratif d’un référé suspension. Une démarche qu’elle qualifie elle-même de « dérisoire »« Face à l’urgence, au risque de mort imminente, j’ai du mal à expliquer à ma mère que ça peut être utile. »

  1. Les prénoms ont été changés.
  1. Gaza : Ibrahim Al-Argany, le lucre d’un profiteur de guerre
  2. La contrebande vers Gaza a permis à cet affairiste lié aux services égyptiens d’amasser une fortune prospère. Il fait aujourd’hui flamber sans scrupule le prix des transferts vers Le Caire de Palestiniens fuyant l’enclave bombardée par Israël.
  3. Monde
  4. 4min
  5. Publié le 28 mars 2024Mis à jour le 29 mars 2024 à 09:39
  6. Rosa Moussaoui
  7. Ibrahim Al-Argany est passé en quelques années de la prison aux arcanes du pouvoir égyptien.
    © Organi Group website
  8. Côté pile, il y a la personnalité publique : un enfant du Sinaï, dignitaire tribal influent, homme d’affaires prospère choyé par le régime du général Al-Sissi. Dans cet habit-là, Ibrahim al-Argany se consume de colère et d’indignation devant le martyre des Palestiniens de Gaza.
  9. « La justice de la cause palestinienne reste un test et une mesure de la justice des politiciens du monde (…). Patience et fermeté pour tout être qui porte en lui les constantes humaines et les défend contre la machine d’oppression et de destruction », écrit-il sur le réseau social X, en relayant les images des familles jetées dans un exode sans issue par les bombardements israéliens. Et puis côté face, il y a le parrain aux méthodes mafieuses associé des services de renseignement égyptiens, à qui le blocus de Gaza a permis d’amasser toute une fortune d’argent sale : contrebande, racket, trafic d’êtres humains.
  10. Une agence « composée en grande partie d’anciens officiers militaires égyptiens »
  11. Parmi les multiples sociétés que dirige al-Argany, celle qu’il a dédiée aux services touristiques, Hala Consulting and Tourism Services, connaît ces derniers temps un développement florissant. Avant l’offensive israélienne à Gaza, sa prestation de transfert en bus des habitants de l’enclave palestinienne vers Le Caire se monnayait 700 à 1 200 dollars par voyageur. Les prix ont été multipliés par cinq, au bas mot, depuis le 7 octobre.
  12. Cette agence « est composée en grande partie d’anciens officiers militaires égyptiens », relevait Human Rights Watch en 2022 dans un rapport consacré à Gaza. Un recrutement fort utile pour desserrer les contraintes bureaucratiques et passer les points de contrôle pendant le trajet.
  13. Al-Argany n’a pas toujours été dans les petits papiers du pouvoir égyptien. À la fin de l’année 2008, il a même été arrêté au cours d’affrontements entre les Bédouins du Sinaï et les forces de sécurité les accusant de complicités dans les attentats de Taba en 2004 et de Charm el-Cheikh en 2005. Le trafiquant, qui trempait déjà dans la contrebande de marchandises et d’armes à travers les tunnels creusés entre l’Égypte et la bande de Gaza, est alors incarcéré.
  14. À sa libération, à l’été 2010, il noue des liens étroits dans l’appareil militaire et policier. Etaprès le coup d’état de 2013, cette coopération s’affiche au grand jour : Al-Argany joue les médiateurs pour le compte de l’État égyptien, rackette les migrants en provenance d’Afrique de l’Est, supervise les milices tribales qui secondent les services de sécurité contre les groupes djihadistes dans la péninsule, partage avec les militaires les profits de la redevance imposée aux camions entrant dans la bande de Gaza (avant la guerre : 200 000 livres égyptiennes, soit plus de 11 000 dollars par passage).
  15. Il devient l’intime de Mahmoud al-Sissi, l’ombre de son père dictateur, aujourd’hui chef adjoint des renseignements égyptiens. Avec des hauts gradés, il fonde plusieurs sociétés, dont « Sons of Sinaï », qui gère tous les contrats liés aux efforts de « reconstruction » de Gaza dans le cadre d’un plan doté de 500 millions de dollars, soutenu par Israël et les Occidentaux. Transfert de marchandises, construction, transport : il bâtit un véritable monopole. Plus encore depuis le 7 octobre, Gaza, pour cet affairiste sans scrupule, est une poule aux œufs d’or.

 

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2024-03-30 Francesca Albanese : « Aucun État n’est au-dessus des lois »

| Par Rachida El Azzouzi

Dans un entretien à Mediapart, la rapporteure de l’ONU pour les Territoires palestiniens occupés revient sur son rapport accusant Israël d’actes de génocide ainsi que sur les nombreuses critiques qui lui sont adressées par certains États, dont la France. 

Rapporteure spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese a présenté mardi 26 mars à Genève (Suisse), devant le Conseil des droits de l’homme, l’organe des Nations unies qui la mandate, un rapport accusant Israël de commettre à Gaza trois actes de génocide envers le « groupe » que forment les Palestinien·nes : « meurtre de membres du groupe »« atteintes graves à l’intégrité physique et mentale de membres du groupe », « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ».

Dans un entretien à Mediapart, l’avocate italienne revient sur ses conclusions, rejetées par la représentation israélienne auprès des Nations unies, qui dénonce « une campagne visant à saper l’établissement même de l’État juif ». Elle répond également aux multiples critiques qui lui sont faites par certains États, dont la France.

Mediapart : Quels sont les éléments factuels qui vous permettent de conclure dans votre rapport que « le seuil indiquant qu’Israël a commis un génocide est atteint » à Gaza ?

Francesca Albanese : Pour qu’il y ait génocide, il faut démontrer que les auteurs des actes en question ont eu l’intention de détruire physiquement un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Mon rapport démontre qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’Israël a commis un génocide.

L’intention peut être directe, par des déclarations, des documents officiels de personnes détenant l’autorité de commandement, ou elle peut être déduite par la nature, l’ampleur des crimes, la façon de les conduire… Plus de 31 000 personnes, dont 70 % de femmes et d’enfants, ont été tuées. Ce qui ne veut pas dire que les 30 % d’hommes tués seraient tous des cibles légitimes.

À Gaza, les civils sont pris pour cibles à un niveau sans précédent. À la destruction des vies s’ajoute la destruction de tout : les écoles, les quartiers, les mosquées, les églises, les universités, les hôpitaux qui sont essentiels pour permettre à la vie de continuer, surtout dans une situation aussi catastrophique.

Nous ignorons combien de personnes vont mourir des suites de leurs blessures, mais nous savons qu’un très grand nombre d’entre elles ont dû être amputées. L’État d’Israël organise également la famine.

En refusant de fournir l’aide humanitaire qu’il est obligé de fournir, en tant que puissance occupante, en bombardant, en détruisant tout ce qui permet de survivre – les infrastructures, les terres arables –, en ciblant les convois humanitaires, il sait pertinemment qu’il va causer la mort de personnes, en particulier d’enfants.

Israël a dissimulé sa logique et sa violence génocidaires derrière des arguments du droit international humanitaire : en affirmant qu’il ne visait que des objectifs militaires, qui en fait étaient des civils, en caractérisant la population entière comme des boucliers humains ou des dommages collatéraux, en ciblant les hôpitaux ou les évacuations. Il a envoyé mourir les gens en ordonnant des évacuations massives pour ensuite transformer les zones de sécurité où la population se réfugie en zones de mort.

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Votre analyse est critiquée par plusieurs chancelleries, notamment en France, où le ministre des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, affirme qu’« accuser l’État juif de génocide, c’est franchir un seuil moral ». Que leur répondez-vous ? 

Le génocide est défini par le droit international. Il n’est pas défini par des opinions personnelles ou par des expériences historiques douloureuses. Aucun État n’est au-dessus des lois. Que signifie dire : comment peut-elle accuser l’État d’Israël ? Pourquoi ne le pourrais-je pas ? J’entends les déclarations, les arguments du gouvernement français, et je suis profondément en désaccord avec sa lecture du 7 octobre 2023. Concluons que nous sommes d’accord pour ne pas être d’accord.

Le terme de « génocide » est au cœur de vives polémiques car c’est aussi une arme politique…

Pas pour moi ! L’apartheid est un crime. Le génocide aussi. J’utilise ces termes de la manière la plus stricte possible. Je sais qu’en Europe, des personnes s’en indignent parce que dans leur esprit, le seul génocide qu’elles puissent concevoir, auquel elles puissent s’identifier, c’est le génocide du peuple juif, la Shoah, même si nous avons eu d’autres génocides.

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Ma génération a vu au moins trois génocides reconnus comme tels : au Rwanda, en ex-Yougoslavie et en Birmanie. Nous sommes aussi concernés par ceux-là. L’Occident refuse de comprendre que le colonialisme de peuplement a nourri des pratiques et une idéologie génocidaires. Raphaël Lemkin, à qui l’on doit le concept de génocide, l’analysait lui-même il y a des décennies.

Je suis troublée par cette hypothèse dogmatique selon laquelle un État ne pourrait pas commettre certains crimes en raison de son histoire. Je rappelle aussi que la création de l’État d’Israël a été le résultat d’une catastrophe, d’une horreur qui s’est abattue sur le peuple juif, mais qu’elle a également provoqué une autre catastrophe, une autre tragédie. Les deux ne sont pas comparables. Pourtant, les Palestiniens, en tant que peuple, ont été dépossédés par la création de l’État d’Israël. Et c’est aussi une amnésie coloniale.

Tant que nous ne prendrons pas en compte les doléances du peuple palestinien, dont le déplacement forcé n’a jamais pris fin, nous continuerons à vivre dans cet état artificiel de déni qui n’aide ni les Palestiniens ni les Israéliens.

En vous appuyant sur une vidéo montrant quatre civils palestiniens tués par des drones israéliens, vous avez déclaré que « l’énorme quantité de preuves » liées aux crimes commis par Israël à Gaza depuis le 7 octobre 2023 pourrait occuper la Cour pénale internationale pendant les cinq prochaines décennies. Quels sont ces différents crimes ?

Je ne suis pas un tribunal, mais cela ne veut pas dire que je ne peux pas fournir de lecture juridique. J’ai analysé une fraction des preuves disponibles parce que je ne peux pas me rendre à Gaza, où personne ne peut entrer autrement que pour des raisons strictement humanitaires. Nous sommes face à un ensemble de crimes qui montrent que le but est de détruire les Palestiniens dans leur ensemble, ou en partie.

En attestent la façon dont les déclarations israéliennes incitant au génocide ont été intériorisées et mises en pratique par les troupes sur le terrain, l’avalanche de preuves qui ont été partagées, fournies par les soldats eux-mêmes, qui se vantent d’avoir détruit, puni la population de Gaza, lui infligeant une humiliation sans précédent parce qu’elle est palestinienne.

En attestent aussi la façon dont ont été ciblés des civils sans discernement, les enfants en particulier, de détruire des locaux civils ou des bâtiments protégés, le fait de causer la famine, d’infliger des traitements inhumains, de torturer, de procéder à des enlèvements, de dénier le droit à un procès équitable.

Il est facile de blâmer une rapporteure spéciale dont le seul travail et la seule responsabilité sont de rendre compte de la situation sur le terrain.

Vous avez critiqué sur le réseau social X les propos du président français Emmanuel Macron, qualifiant le 7 octobre de « plus grand massacre antisémite de notre siècle », ce qui a suscité une controverse. Que vouliez-vous dire ? 

Des dirigeants politiques me critiquent mais j’ai aussi le plaisir d’entendre dans divers pays des responsables me dire : « Je suis vraiment désolé que vous traversiez cela parce que nous sommes avec vous et vous avez raison. » Il est facile de blâmer une rapporteure spéciale dont le seul travail et la seule responsabilité sont de rendre compte de la situation sur le terrain.

Il m’apparaît dangereux de répéter sans cesse que le 7 octobre a été déclenché par l’antisémitisme. Des érudits juifs, réputés dans le domaine de l’antisémitisme et des études sur l’Holocauste, l’ont d’ailleurs dénoncé. Cette interprétation est dangereuse car elle décontextualise ce qu’Israël a fait et le déresponsabilise dans la création des conditions d’oppression et de répression des Palestiniens, qui ont ensuite conduit à cette violence.

En disant cela, est-ce que cela signifie que je suis en train de justifier la violence contre les civils israéliens ? Absolument pas. Je ne l’ai jamais tolérée, je l’ai toujours dénoncée. La violence génère et nourrit la violence, et celle-ci ne peut être arrêtée que si son cycle est interrompu.

Les violences sexuelles, en particulier les viols, sont des armes de guerre. Quelle est l’ampleur à ce stade des violences sexuellescommises contre les femmes israéliennes et palestiniennes depuis six mois ?

J’ai tout de suite exprimé ma solidarité avec toutes les femmes qui auraient pu subir des violences sexuelles, sans en avoir la preuve, car je sais combien celles-ci sont une arme de guerre. Que des preuves ne soient pas convaincantes ne constitue pas la preuve qu’il n’y a pas eu de crimes sexuels. J’attends les résultats des enquêtes de part et d’autre.

Je ne peux pas mener d’enquêtes sur les violations qui ont eu lieu en Israël. Une commission ainsi que d’autres organismes enquêtent. J’entends qu’il y a peut-être eu des cas de viol, mais il n’est pas clair qu’il s’agisse de viols massifs, systémiques. Je n’ai pas les éléments pour confirmer ou infirmer cela.

J’ai reçu, pour ma part, des allégations d’abus sexuels, de harcèlement sexuel, de viols et de menaces de viol, de pratiques et de traitements inhumains, à l’encontre de femmes et d’hommes détenus par l’armée israélienne. Nous restons très prudents en matière d’information, car la plupart se sentent encore menacés et craignent des représailles.

Ce sujet fait l’objet de vives polémiques et instrumentalisations. Qu’est-ce que cela révèle sur ce conflit ? 

Il y a toujours eu une guerre des récits. Pour moi, cela fait partie intégrante de la violence qui s’impose en premier lieu aux Palestiniens mais, cette fois aussi, aux Israéliens. Il est très irrespectueux envers les victimes d’instrumentaliser leurs plaintes pour viol sur la scène politique et de les entacher de propagande.

L’histoire des bébés décapités le 7 octobre, par exemple, a choqué le monde, témoigné de la sauvagerie et de la barbarie des brigades du Hamas et de tous ceux qui ont participé à l’attaque contre Israël ce jour-là, mais il s’est avéré ensuite que c’était totalement fabriqué. Ce n’est pas la première fois. Même lorsque la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh a été tuée par l’armée israélienne, les Palestiniens en ont été initialement blâmés.

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J’ai vu, dans certains pays d’Europe, une large couverture médiatique sur les otages et les personnes mortes en Israël, ce qui est une manière de ne pas déshumaniser les victimes. Mais je n’ai pas vu cette même couverture appliquée à Gaza, où les gens sont réduits au nombre. 14 000 enfants y ont été tués. C’est si épouvantable que mon esprit ne peut même pas le concevoir. Et il y a si peu de couverture médiatique sur qui ils étaient, ainsi que sur les ingénieurs, les artistes, le personnel médical, les universitaires, les scientifiques… Sur tous les civils qui ont perdu la vie.

Comment enquêter en tant qu’experte indépendante des Nations unies sur un tel terrain et alors que vous ne pouvez pas y accéder ?

Israël a annoncé en février 2024 qu’il m’interdisait le territoire. Mais en réalité, aucun rapporteur spécial de l’ONU pour les Territoires palestiniens occupés n’a été autorisé à entrer dans le pays au cours des seize dernières années.

Pour quelles raisons ? 

Parce qu’Israël agit au mépris du droit international et des règles de l’ONU de bout en bout, considérant que nous serions partiaux ou anti-israéliens, ce qui n’est pas vrai. Aucun de nous n’a jamais eu quoi que ce soit contre Israël. Nous voulons simplement qu’Israël se comporte conformément au droit international. Est-ce trop demander ? Il faut cesser de nier les comportements criminels imputables à Israël. À long terme, cela va être encore plus préjudiciable que cela l’a été jusqu’à présent, tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens.

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2024-03-30 Il n’y a pas que la bande de Gaza qui a besoin d’être reconstruite – L’éthique israélienne aussi

Les images de la bande de Gaza en ruines sont incolores. Il n’y a que des nuances de gris, un fouillis de béton démoli, déraciné, bombardé et pulvérisé.

Les seules images de Gaza en ruines que les médias israéliens osent publier, prises par des drones ou par des équipes de photographes entrés dans la bande de Gaza embarqués dans l’armée, ne montrent aucun être vivant. Pas d’enfants orphelins qui pleurent, pas de femmes qui cherchent désespérément des herbes sauvages à manger qui ont peut-être germé là où il y avait autrefois de l’asphalte, pas de personnes âgées condamnées à passer leurs dernières années dans des souffrances inimaginables, dans une pauvreté abjecte.

Les images qui nous sont renvoyées de Gaza nous rappellent Dresde, Varsovie et le site du World Trade Center après l’attaque terroriste du 11 septembre 2001 : la même esthétique de ruine totale, de fin du monde.

Le sionisme, comme tous les mouvements nationaux, est fondé sur le mythe, le pathos et l’ethos. Le sionisme a de nombreux mythes, dont le plus significatif est le mensonge de « la terre sans peuple à un peuple sans terre ».

Le double mythe de l’exil et d’un désir continuel d’un retour juif et d’une terre vide en friche attendant ses propriétaires, informe le sioniste sur le déplacement d’un peuple réfugié qui a transformé (et continue de transformer) un autre peuple en réfugiés.

Les mythes de l’exode et des Maccabées, de Pourim et de Massada – tout cela fait partie du mythe plus vaste qui raconte aux Juifs israéliens l’histoire de leur existence sur cette terre. Il s’agit d’un tissu narratif qui assigne au monde entier des intentions génocidaires contre les Juifs, partout et en tout temps. (« À chaque génération, certains se sont levés contre nous pour nous exterminer », nous dit la Haggadah de Pessah.)

Les idées glanées dans le mythe israélien exigent la force et une force juive impitoyable.

« Si quelqu’un vient pour te tuer, lève-toi tôt et tue-le d’abord. »

Le pathos sioniste resserre le mythe, recrutant le public pour faire des sacrifices, instillant la suspicion et réduisant le spectre des possibilités à un choix binaire : les tuer ou être tués nous-mêmes.

Un exemple classique de cela est l’éloge funèbre de Moshe Dayan (lui-même un personnage mythique) pour Ro’i Rothberg, qui a été assassiné près de Nahal Oz en 1956 : « Des millions de Juifs, exterminés sans terre à eux, nous regardent depuis les cendres de l’histoire d’Israël et nous ordonnent de nous installer et de donner naissance à une terre pour notre peuple », a-t-il déclaré.

Mais au-delà du sillon frontalier, l’océan de haine et de vengeance se lève, attendant avec impatience le jour où la paix obscurcira notre préparation, jusqu’au jour où nous écouterons les émissaires de l’hypocrisie malveillante, nous appelant à déposer les armes. Le mythe et le pathos sionistes suivent les traces de la description mélancolique des Israélites du prophète biblique Balaam, « le peuple habitera seul, et ne sera pas compté parmi les nations », dictant pour nous, Juifs israéliens un programme nationaliste, militariste et ethnocratique.

À l’opposé, l’ethos sioniste – l’ensemble des valeurs et la vision du monde à laquelle la société israélienne prête allégeance – prétend englober en son sein des valeurs complexes.

Juive, mais aussi « démocratique ». La puissance militaire, mais aussi la pureté des armes.

Une souveraineté indépendante qui ne tolère aucun diktat extérieur, mais qui soit aussi « fidèle aux principes de la Charte des Nations Unies » (comme annoncé dans la Déclaration d’indépendance).

Et, bien sûr, l’éthos sioniste aspire à la paix. Il s’y efforce tellement que la lutte pour la paix est notre deuxième prénom. Je pourrais écrire 10 gros volumes décrivant les énormes écarts entre l’ethos israélien et la réalité, mais tant que l’ethos est là et que la société ne jure que par lui, son pouvoir moral est à l’œuvre, et même s’il ne l’emporte pas, il sert toujours de contrepoids au vecteur dicté par le mythe et le pathos.

L’ère Netanyahou sera jugée par l’histoire comme l’ère où chaque dernière composante de l’ethos israélien a été pulvérisée. D’abord, les valeurs administratives et politiques : l’intégrité morale, l’indépendance de la justice, la liberté de parole, le respect de l’État de droit par ceux qui sont au pouvoir – tout cela a été déchiqueté dans les bureaux du Premier ministre et du président de la Knesset. Vous n’entendrez plus Benjamin Netanyahou et ses sbires parler au nom de ces valeurs.

Deuxièmement, la pureté des armes. J’ai peut-être raté quelque chose, mais il me semble qu’il y a longtemps que je n’ai pas entendu parler de « l’armée la plus morale du monde ». Même les plus grands fans de l’armée israélienne ont du mal à répéter cette mantra avec un visage impassible ces jours-ci.

Une société qui détruit des villes et des villages, tuant 32 000 personnes (jusqu’à présent), pour la plupart des civils, est plongée jusqu’au cou dans l’incitation génocidaire. Sans réponse des autorités chargées de l’application de la loi, celles-ci transforment 1,5 million de personnes en réfugiés démunis, elles trafiquent (ouvertement !) leur faim et se contentent d’une réprimande du commandement à un officier qui, de sa propre initiative, a fait exploser une université – une telle société ne prétend plus adhérer à une notion de « pureté des armes ».

Sous le couvert d’une douleur et d’une rage justifiées face aux crimes horribles et impardonnables du Hamas, la droite a réussi à introduire une éthique alternative : « la force est le droit ». Mais l’exemple peut-être le plus flagrant de la pulvérisation des derniers vestiges de l’ethos israélien est le traitement accordé par le gouvernement israélien et ses partisans aux otages et à leurs familles.

Il est difficile de penser à un principe plus fondamental ou plus sacré pour une société que sa responsabilité envers son propre peuple en détresse. Nous avons tous grandi avec l’affirmation (tordue et exagérée, naturellement) selon laquelle « un homme tombe dans la rue à l’étranger et personne ne va vers lui, alors qu’en Israël tout le quartier viendra l’aider ».

La solidarité mutuelle est toujours importante, mais elle l’est doublement et triplement lorsque la détresse s’est abattue sur les citoyens en raison d’une terrible défaillance gouvernementale, résultat d’un abandon inconcevable de la part de ceux qui sont responsables de leur protection. Alors, quoi de plus bénéfique à la cohésion sociale que la rédemption des otages ? Le démantèlement de cette valeur est un dénouement du dernier fil qui rassemble les individus dans une société.

Il peut y avoir des situations où les otages ne peuvent pas être rachetés, et il peut y avoir des cas où le prix exigé pour leur libération crée un véritable dilemme. Mais dans notre cas, le prix n’est pas l’histoire, c’est l’alibi derrière lequel Netanyahou se cache, en abusant pour retarder un accord qui est très susceptible de briser le sien et sa coalition gouvernementale.

Et cet alibi est mis en pièces par le traitement criminel infligé aux familles des otages par le gouvernement et ses partisans, qui ont incité contre eux, les menaçant de ne pas trop critiquer le Premier ministre, les considérant comme des gêneurs, et les stigmatisant comme un groupe ayant des intérêts extérieurs au-delà de leur demande éminemment justifiable pour le retour immédiat de leurs proches.

À Bâle, en Suisse, Theodor Herzl a fondé l’État juif, et sur la place des Otages de Tel-Aviv, qui se vide lentement, il perd rapidement sa dernière valeur déclarée. Ainsi, l’aspect de Gaza en ruines n’est pas seulement une documentation de la réalité dans la bande de Gaza – c’est aussi une représentation adéquate de l’ethos de l’État d’Israël, une imagerie IRM terrifiante de notre âme idéaliste.

Il n’y a pas que Gaza qui a besoin d’être reconstruite, l’éthique israélienne aussi. Il faudra de nombreuses années pour les reconstruire tous les deux.

Michael Sfard
Haaretz, 30 mars 2024
L’auteur est avocat, expert en droit international, en guerre et en droits de l’homme.
https://www.haaretz.com/opinion/2024-03-31/ty-article-opinion/.premium/its-not-only-the-gaza-strip-that-needs-rebuilding-so-does-the-israeli-ethos/0000018e-90a4-d9a4-a7bf-dcfd7b000000
Communiqué par B. D.

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2024-03-29 – L’écocide israélien à Gaza est un véritable crime de guerre

Le fait qu’Israël soit accusé de crimes de guerre n’est pas nouveau, et le régime a eu recours à des mesures illégales et inhumaines depuis le premier jour où il a commencé à s’emparer des terres palestiniennes. Pourtant, les dévastations observées dans des pans entiers de Gaza et le mépris croissant des dirigeants israéliens pour les condamnations internationales, ont mis la planète face à ce qui est incontestable : l’état sioniste se rend responsable de génocide et d’écocide

Une analyse satellite révélée au Guardian montre des fermes dévastées et près de la moitié des arbres du territoire rasés. Outre la pollution croissante de l’air et de l’eau, les experts affirment que l’assaut israélien sur les écosystèmes de Gaza a rendu la région invivable.

Dans un entrepôt délabré de Rafah, Soha Abu Diab vit avec ses trois jeunes filles et plus de 20 autres membres de sa famille. Ils n’ont pas d’eau courante, pas de carburant et sont entourés d’égouts qui se répandent et de déchets qui s’accumulent.

Comme le reste des habitants de Gaza, ils craignent que l’air qu’ils respirent soit chargé de polluants et que l’eau soit porteuse de maladies. Au-delà des rues de la ville s’étendent des vergers et des oliveraies rasés, ainsi que des terres agricoles détruites par les bombes et les bulldozers.

« Cette vie n’est pas une vie », déclare Abu Diab, qui a été déplacé de la ville de Gaza. « Il y a de la pollution partout – dans l’air, dans l’eau dans laquelle nous nous baignons, dans l’eau que nous buvons, dans la nourriture que nous mangeons, dans la région qui nous entoure ».

Pour sa famille et des milliers d’autres, le coût humain de l’invasion israélienne de Gaza, lancée après l’attaque du Hamas le 7 octobre, est aggravé par une crise environnementale.

L’étendue des dégâts à Gaza n’a pas encore été documentée, mais l’analyse des images satellite fournies au Guardian montre la destruction d’environ 38 à 48% de la couverture arborée et des terres agricoles.

Les oliveraies et les fermes ont été réduites à de la terre tassée ; le sol et les eaux souterraines ont été contaminés par des munitions et des toxines ; la mer étouffe sous les eaux usées et les déchets ; l’air est pollué par la fumée et les particules.

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A gauche : les destructions causées aux cultures arboricoles, et à droite,
les destructions causées aux cultures sous serre – Image : The Guardian

Les chercheurs et les organisations environnementales affirment que la destruction aura des effets dévastateurs sur les écosystèmes et la biodiversité de Gaza. L’ampleur et l’impact potentiel à long terme des dégâts ont conduit à demander qu’ils soient considérés comme un « écocide » et fassent l’objet d’une enquête sur un éventuel crime de guerre.

Il ne reste que de la terre
Des images satellite, des photos et des vidéos prises sur le terrain montrent à quel point les terres agricoles, les vergers et les oliveraies de Gaza ont été détruits par la guerre.

He Yin, professeur adjoint de géographie à la Kent State University aux États-Unis, qui a étudié les dommages causés aux terres agricoles en Syrie pendant la guerre civile de 2011, a analysé des images satellite montrant que jusqu’à 48% de la couverture arborée de Gaza avait été perdue ou endommagée entre le 7 octobre et le 21 mars.

Outre les destructions directes dues à l’assaut militaire, le manque de combustible a contraint les habitants de Gaza à couper des arbres partout où ils en trouvaient pour les brûler afin de cuisiner ou de se chauffer.

« Des vergers entiers ont disparu, il ne reste plus que de la terre, on ne voit plus rien », explique M. Yin.

Une analyse satellite indépendante réalisée par Forensic Architecture (FA), un groupe de recherche basé à Londres qui enquête sur la violence d’État, a abouti à des résultats similaires.

Avant le 7 octobre, les fermes et les vergers couvraient environ 170 km², soit 47% de la superficie totale de Gaza. À la fin du mois de février, la FA estimait, à partir de données satellitaires, que l’activité militaire israélienne avait détruit plus de 65 km², soit 38% de ces terres.

Outre les terres cultivées, plus de 7 500 serres constituaient un élément essentiel de l’infrastructure agricole du territoire.

Près d’un tiers d’entre elles ont été entièrement détruites, selon l’analyse de la FA, allant de 90% dans le nord de la bande de Gaza à environ 40 % autour de Khan Younis.

« Ce qui reste, c’est la dévastation
Samaneh Moafi, directrice adjointe de la recherche à la FA, décrit la destruction comme systématique.

Les chercheurs ont utilisé l’imagerie satellite pour documenter un processus répété dans de nombreux endroits, explique-t-elle : après les dommages initiaux causés par les bombardements aériens, les troupes au sol sont arrivées et ont complètement démantelé les serres, tandis que les tracteurs, les chars et les véhicules ont déraciné les vergers et les champs de culture.

« Ce qui reste, c’est la dévastation », dit Moafi. « Une région qui n’est plus vivable. »

L’enquête de la FA a porté sur une ferme située à Rast Jabalia, près de la frontière nord-est de Gaza, cultivée par la famille Abu Suffiyeh au cours de la dernière décennie. Cette famille a depuis été déplacée vers le sud. Leur ferme a été détruite et les vergers entièrement déracinés, remplacés par des remblais militaires et une nouvelle route qui les traverse.

« Il n’y a presque plus rien de reconnaissable là-bas », dit un membre de la famille. « Il n’y a plus aucune trace de la terre que nous connaissions. Ils l’ont totalement effacée. »

« C’est maintenant la même chose qu’avant : le désert… Il n’y a plus un seul arbre. Aucune trace de vie antérieure. Si j’y allais, je ne pourrais plus rien reconnaître ».

Israël a indiqué qu’il pourrait tenter de rendre certaines de ses démolitions permanentes, certains responsables proposant la création d’une « zone tampon » le long de la clôture entre Gaza et Israël, où se trouve une grande partie des terres agricoles.

Certaines démolitions ont déjà fait place à des infrastructures militaires israéliennes. Les enquêteurs de sources ouvertes Bellingcat affirment qu’environ 1740 hectares de terres semblent avoir été déblayés dans la zone située au sud de la ville de Gaza, où une nouvelle route, appelée Route 749 par Israël, est apparue, traversant toute la largeur du territoire.

L’armée israélienne affirme que cette route est une « nécessité militaire » construite pour « établir un point d’appui opérationnel dans la région et permettre le passage de forces et d’équipements logistiques ».

Depuis le début de la guerre, Israël a largué des dizaines de milliers de bombes sur Gaza. Des analyses par satellite effectuées en janvier indiquent qu’entre 50 et 62 % de tous les bâtiments ont été endommagés ou détruits.

Serres en 2022, avant la guerre –
Image : Forensic Architecture/Planet Labs PBC

En janvier 2024, le PNUE [UN Environment Programme] estimait que les bombardements avaient laissé 22,9 millions de tonnes de débris et de matières dangereuses, la plupart des décombres contenant des restes humains.

« Il s’agit d’une quantité extrêmement importante de débris, en particulier pour une zone aussi réduite », indique le rapport. « Les composants des débris et des décombres peuvent contenir des substances nocives telles que l’amiante, des métaux lourds, des contaminants d’incendie, des munitions non explosées et des produits chimiques dangereux. »

Des piles de déchets et de l’eau empoisonnée
Les alentours de l’entrepôt qu’Abu Diab loue avec sa famille sont un véritable champ de ruines. Les eaux usées s’écoulent d’une maison bombardée située à proximité et les déchets se sont accumulés, comme partout près de la ville méridionale de Rafah, qui accueille aujourd’hui la majeure partie de la population de Gaza.

« Les eaux usées et les déchets autour de la maison sont une véritable tragédie. Les chats et les chiens sont attirés par les immondices et les répandent dans les rues », explique-t-elle.

La poursuite du conflit et du siège a entraîné l’effondrement total de l’infrastructure civile déjà fragile de Gaza, notamment en ce qui concerne le ramassage des ordures, le traitement des eaux usées, l’approvisionnement en carburant et la gestion de l’eau.

Wim Zwijnenburg, qui étudie l’impact des conflits sur l’environnement pour l’organisation pacifiste néerlandaise PAX, déclare : « En général, la guerre fait tout s’effondrer. À Gaza, la population est exposée à des risques supplémentaires liés à la pollution, à la contamination des eaux souterraines. Il s’agit de la destruction de tout ce dont la population civile dépend ».

La municipalité de Gaza a dressé la liste des dommages causés aux infrastructures, notant que 70 000 tonnes de déchets solides s’étaient accumulées depuis le 7 octobre.

L’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, qui collecte les déchets dans les camps, est dans l’incapacité de fonctionner. M. Zwijnenburg indique que la PAX a identifié au moins 60 décharges sauvages dans le centre et le sud de la bande de Gaza.

Ameer, un habitant de Rafah, explique que les gens sont dépassés par la pollution de l’air, car ils utilisent n’importe quel bois ou plastique pour faire du feu, les voitures roulent à l’huile de cuisson, sans oublier les fumées laissées par les bombardements eux-mêmes.

« L’odeur est épouvantable et la fumée qui s’échappe des voitures est insupportable – j’en ai été malade pendant des jours », déclare-t-il. « L’odeur de la poudre à canon et ces gaz horribles provenant des bombardements en cours nuisent gravement à la population et à l’environnement. »

Lorsqu’Israël a coupé l’approvisionnement en carburant de Gaza après le 7 octobre, les coupures d’électricité qui en ont résulté ont empêché le pompage des eaux usées vers les stations d’épuration, ce qui a entraîné le déversement de 100 000 mètres cubes d’eaux usées par jour dans la mer, selon le PNUE.

Un acte d’écocide
L’ampleur et l’impact à long terme des destructions ont suscité des appels en faveur d’une enquête pour possible crime de guerre et d’une qualification d’écocide, qui couvre les dommages causés à l’environnement par des actions délibérées ou par négligence.

En vertu du statut de Rome, qui régit la Cour pénale internationale, le fait de lancer intentionnellement une attaque excessive en sachant qu’elle causera des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel constitue un crime de guerre.

Les conventions de Genève exigent que les parties belligérantes n’utilisent pas de méthodes de guerre qui causent « des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel ».

Saeed Bagheri, maître de conférences en droit international à l’université de Reading, estime que même s’il existe des désaccords sur la manière d’appliquer ces articles, il y a suffisamment de raisons pour enquêter sur les dommages causés à l’environnement de Gaza.

Abeer al-Butmeh, coordinateur du réseau des ONG environnementales palestiniennes, déclare : « L’occupation israélienne a complètement endommagé tous les éléments de la vie et tous les éléments environnementaux à Gaza – elle a complètement détruit l’agriculture et la faune. »

« Ce qui se passe est, sans aucun doute, un écocide », déclare-t-elle. « Cela endommage complètement l’environnement de Gaza à long terme, et pas seulement à court terme. »

« Le peuple palestinien a une relation très forte avec la terre – il est très lié à sa terre et aussi à la mer », dit-elle. « Les habitants de Gaza ne peuvent pas vivre sans pêche, sans agriculture. »

« La destruction des terres agricoles et des infrastructures à Gaza est un acte délibéré d’écocide. »

« Les fermes et les serres visées sont essentielles à la production alimentaire locale d’une population déjà soumise à un siège de plusieurs décennies. Les effets de cette destruction agricole systématique sont exacerbés par d’autres actes délibérés de privation de ressources essentielles à la survie des Palestiniens à Gaza. »

Kaamil Ahmed, Damien Gayle, Aseel Mousa
29 mars 2024 – The Guardian
Traduction : Chronique de Palestine
https://www.chroniquepalestine.com/ecocide-israelien-gaza-veritable-crime-de-guerre/

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Indicateurs de l’impact mondial du mouvement BDS : fin d’année 2023 & début 2024

Depuis le début de la guerre génocidaire menée par Israël contre 2,3 millions de Palestinien-nes dans la bande de Gaza occupée et assiégée, l’impact du mouvement BDS s’est considérablement accru et a commencé à influencer certains États.

Introduction :

Au cours des 18 dernières années, le mouvement BDS a construit un vaste réseau dans le monde entier, soutenu par des syndicats, des coalitions paysannes, ainsi que des mouvements pour la justice raciale, sociale, de genre et climatique, représentant ensemble des dizaines de millions de personnes. Il a eu un impact important sur l’isolement de l’apartheid israélien, notamment en obligeant les grandes multinationales, comme G4S, Veolia, Orange, HPPUMA et d’autres, à mettre fin totalement ou partiellement à leur complicité dans ses crimes contre les Palestinien-nes autochtones.

Depuis le début de la guerre génocidaire d’Israël contre 2,3 millions de Palestinien-nes dans la bande de Gaza occupée et assiégée, l’impact du mouvement BDS s’est considérablement accru et a commencé à influencer certains États. Le mouvement, avec ses nombreux partenaires, a intensifié la pression sur les décideurs politiques pour qu’ils mettent fin à la complicité des États et des entreprises dans les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide commis par Israël, en rendant mainstream l’analyse désormais largement acceptée d’Israël en tant qu’Etat d’apartheid et en préconisant des sanctions ciblées et légales, en particulier un embargo complet et bilatéral sur les armes, comme une action de respect des obligations légales en vertu du droit international.

Cet impact a été accentué par l’affaire sud-africaine devant la Cour internationale de justice (CIJ) accusant Israël de génocide et par la décision ultérieure de la CIJ du 26 janvier 2024 selon laquelle Israël commet de manière plausible un génocide à Gaza.

Le 23 février, des expert-es des droits de l’homme de l’ONU ont publié une déclaration révolutionnaire qui fait référence au risque de génocide pour appeler tous les États à remplir leurs obligations légales en arrêtant « immédiatement » toutes les « exportations d’armes vers Israël » et en imposant « des sanctions sur le commerce, la finance, les voyages, la technologie ou la coopération ». Cela fait écho aux revendications que le mouvement BDS a généralisées et pour lesquelles il a construit un soutien de masse pendant de nombreuses années.

Bien que dans la plupart des développements ci-dessous, bien sûr, il y ait eu d’autres facteurs d’influence, le mouvement BDS a joué un rôle indubitable, bien que parfois indirect, dans leur réalisation.

INDICATEURS D’IMPACT (un échantillon représentatif de nombreux développements similaires) :

– Etats et Gouvernements locaux

  • La Bolivie a suspendu ses relations diplomatiques avec Israël, tandis que le Chili, la Colombie, le Tchad, le Honduras, la Turquie et la Jordanie, entre autres, ont revu à la baisse leurs relations avec Israël.
  • L’Union africaine a effectivement suspendu le statut d’observateur[1] d’Israël.
  • Le 29 février, le président colombien Gustavo Petro a annoncé la suspension totale des achats d’armes à Israël.
  • Le gouvernement régional belge de Wallonie a suspendu deux licences d’exportation d’armes vers Israël. Les vice-premiers ministres de la Belgique et de l’Espagne ont appelé à « suspendre le traité d’association de l’UE avec Israël, à imposer un embargo général sur les armes, ou même à imposer des sanctions dans le cadre du régime mondial de sanctions de l’UE en matière de droits de l’homme ».
  • Le Chili a interdit aux entreprises israéliennes d’accéder à son salon de l’armement, et les entreprises israéliennes étaient également absentes du salon de l’armement en Colombie.
  • Le 29 février, le Parti socialiste ouvrier espagnol, le principal parti au pouvoir en Espagne, a voté au Parlement, avec d’autres partis, en faveur d’une suspension immédiate du commerce d’armes de l’Espagne avec Israël. Le 13 mars, la commission des Affaires étrangères du parlement espagnol a voté en faveur de l’arrêt du commerce des armes avec Israël.
  • Le fonds souverain norvégien, le plus grand au monde, a récemment annoncé qu’en novembre 2023, il avait entièrement cédé ses obligations israéliennes d’une valeur de près d’un demi-milliard de dollars. Les obligations d’Israël sont une cible majeure du mouvement BDS depuis octobre 2023. La plus grande fédération syndicale, LO, avec un million de membres, a joué un rôle important à cet égard.
  • Plusieurs fonds de pension danois ont exclu et ont retiré leurs investissements des entreprises israéliennes, y compris des banques, impliquées dans les colonies illégales d’Israël.
  • Le gouvernement norvégien a conseillé aux entreprises norvégiennes « de ne pas s’engager dans des coopérations commerciales ou des échanges qui servent à perpétuer les colonies israéliennes illégales ».
  • Le 3 janvier 2024, la Commission des droits de l’homme du Sénat chilien a approuvé un projet de loi visant à interdire le commerce avec les colonies israéliennes.
  • Le gouvernement malaisien a interdit tous les navires appartenant à Israël, en particulier ceux de la compagnie maritime israélienne Zim, en réponse aux violations du droit international par Israël, une décision renforcée par les efforts persistants de BDS Malaysia.
  • Le Parlement canadien a voté pour mettre fin aux exportations d’armes vers Israël le 18 mars 2024, tandis que plus de 130 député-es britanniques ont appelé à interdire toutes les ventes d’armes à Israël.
  • La ville de Barcelone (Catalogne) a franchi une étape historique en rompant tous les liens avec Israël en raison de son système d’apartheid et des crimes de guerre commis contre les Palestinien-nes à Gaza, créant ainsi un précédent en Europe. Cela fait suite à une campagne menée par des partenaires BDS en Catalogne.
  • Le gouvernement jordanien a annoncé le rejet d’un accord « électricité contre eau » avec Israël, à la suite d’une importante pression publique menée par BDS Jordanie.
  • Le Conseil régional néo-zélandais de l’environnement de Canterbury (ECan) a voté pour ne pas travailler avec des entreprises qui font des affaires avec des colonies israéliennes illégales dans les territoires palestiniens occupés.
  • Malgré la domination de la propagande israélienne justifiant le génocide dans les grands médias américains, la majorité des électeur-ices américain-es soutiennent maintenant l’arrêt ou le conditionnement du financement militaire et des livraisons d’armes à Israël.
  • En Turquie, les villes d’Adana et d’Antalya ont annulé leurs protocoles de jumelage avec leurs homologues israéliennes, Beersheba et Bat-Yam, respectivement. Cela faisait suite à une campagne intense de BDS Turquie.
  • Le 29 novembre 2023, le conseil municipal de la ville de Gand (Belgique) a annoncé qu’il n’achètera plus auprès des entreprises profitant du système d’occupation et d’oppression des Palestinien-nes dans les TPO (territoires palestiniens occupés).
  • Le 10 janvier 2024, la ville de Derry et le conseil du district de Strabane (Irlande du Nord) ont annoncé leur intention d’adopter une politique d’approvisionnement éthique.
  • Le 25 janvier 2024, le Sinn Fein, le plus grand parti politique d’Irlande, a annoncé qu’il travaillait dans les conseils municipaux de toute l’Irlande pour mettre en œuvre des politiques d’approvisionnement éthiques.
  • Le 25 janvier 2024, la ville de Hayward, en Californie (États-Unis), a voté en faveur du désinvestissement de quatre entreprises complices de violations israéliennes des droits de l’homme et du droit international.
  • Plus de 120 conseils municipaux aux États-Unis ont adopté des résolutions exigeant un cessez-le-feu.

 

– Entreprises et organisations

  • En mars 2024, à la suite de pressions exercées par BDS Japon et ses alliés, qui ont évoqué la décision de la CIJ selon laquelle Israël commet un génocide de manière plausible, deux grandes entreprises japonaises,Nippon Aircraft Supply et Itochu Corporation, ont mis fin à leurs relations avec le plus grand fabricant d’armes privé d’Israël, Elbit Systems.
  • Elbit Systems, le plus grand fabricant d’armes privé d’Israël et le principal facilitateur du génocide, a exprimé ses inquiétudes quant à l’impact des campagnes BDS contre lui, malgré l’augmentation de ses ventes d’armes « testées sur le terrain ». La peur d’Elbit à l’égard du BDS peut s’expliquer par la tendance émergente des désinvestissements des grandes banques et des fonds d’investissement. Le 12 février 2024, par exemple, l’Office d’investissement de l’État du Wisconsin a révélé qu’il avait vendu les 8 083 actions d’Elbitqu’il possédait en novembre 2023. Deux jours plus tard, Bank of America Corp a révélé qu’elle avait perdu plus de 50 % de ses actions Elbit depuis novembre 2023. Même la Banque Scotia, le plus grand investisseur étranger dans Elbit, a réduit ses avoirs en actions Elbit d’environ 16 % entre le T3 et le T4 2023. Les campagnes en faveur d’un désinvestissement total se poursuivent.
  • En mars 2024, le géant américain de la restauration rapide McDonald’s a été contraintd’abandonner son procès en diffamation contre BDS Malaysia. La société a subi une perte importante de revenus et de valeur de ses actions en raison d’une campagne BDS mondiale croissante, comme l’a admis sa direction. Le boycott dans le monde arabe a joué un grand rôle dans cette pression.
  • L’entreprise allemande de vêtements de sport Pumaa annoncé en décembre 2023 qu’elle ne renouvellerait pas son contrat avec la Fédération israélienne de football qui expire fin 2024, cédant à la pression BDS qui a coûté cher à l’entreprise en termes d’atteinte à sa réputation.
  • Carrefour, la chaîne de supermarchés française ciblée par BDS pour sa complicité dans les crimes israéliens, a fermé quatre succursales en Jordanie, à la suite d’une intense campagne menée par BDS Jordanie. La société jordanienne Al-Ameed Coffee Companyavait précédemment décidé de fermer toutes ses succursales dans les supermarchés Carrefour en Jordanie en raison de la complicité de Carrefour dans les crimes d’Israël.

 

– Institutions (syndicales, confessionnelles, universitaires, culturelles, sportives) :

  • Les principaux syndicats indiens représentant des dizaines de millions de travailleurs ont exigédu gouvernement indien qu’il annule un accord visant à « exporter » des travailleurs indiens vers Israël pour remplacer les travailleurs palestiniens, exhortant les travailleurs à boycotter les produits israéliens et à ne pas manipuler de marchandises israéliennes.
  • Les syndicats de dockers en Belgiqueen Inde, en Catalogne, en Italie, en Grèce, en Turquie,en Californie et en Afrique du Sud ont mené des actions contre les navires israéliens et/ou les livraisons d’armes à Israël.
  • L’IAATW, une alliance internationale de syndicats de travailleurs dans les applications de transports et comptant 100 000 membres dans plus de 27 pays et 6 continents, a décidé de boycotter les stations-service de la marque Chevron.
  • La plus grande et la plus ancienne église afro-américaine,l’Église épiscopale méthodiste africaine, qui compte quelque 3 millions de membres, a accusé Israël de génocide, appelant les États-Unis à « retirer immédiatement tout financement et tout autre soutien d’Israël », afin de mettre fin à sa complicité.Haut du formulaire
  • Les directeurs de toutes les universités palestiniennes ont appelé à isoler les universités israéliennes dans le monde entier.
  • Cinq universités norvégiennes ont suspendu des accords de collaboration avec des universités israéliennes complices du génocide israélien à Gaza.
  • Le Conseil de la Faculté de droit de l’Université d’Anvers (Belgique) a décidé par consensus de mettre fin à un accord de coopération avec l’Université Bar-Ilan en raison de son soutien indéfectible à l’agression militaire israélienne contre Gaza.
  • Le gouvernement étudiant de la faculté de droit de Harvard a adopté une résolution appelant la Harvard Management Corporation et toutes les institutions et organisations de la communauté de Harvard à cesser ses investissements en direction du régime israélien, de son occupation militaire et de son génocide à Gaza.
  • Le Sénat académique de l’Université de Turin (Italie) a décidé de ne pas participer aux appels de recherche scientifique avec des institutions israéliennes complices au sujet du #GazaGenocide.
  • L’Université de Gérone (Catalogne) s’est engagée à revoir tous les accords avec les universités israéliennes ; l’Université Fédérale du Ceará (Brésil) a annulé le « Défi Innovation Brésil – Israël » et la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de l’Universidad Nacional de la Patagonia San Juan Bosco (Argentine) a voté en faveur de l’appel de l’Université de Birzeit à éviter les institutions académiques israéliennes complices.
  • L’Association des professeur-es de l’Université de Montréal, qui représente près de 1400 professeur-es, a voté à l’unanimité en faveur d’un boycott des universités israéliennes, ce qui en fait la PREMIÈRE au Canada à le faire.
  • Des étudiant-es de l’Université de Californie à Davis (États-Unis) ont voté en faveur du désinvestissement de leur budget de 20 millions de dollars en direction des entreprises complices du génocide et de l’occupation.
  • L’assemblée du Sénat de la faculté de l’Université du Michigan (États-Unis) a voté en faveur du désinvestissement le 30 janvier 2024.
  • Une centaine d’organisations artistiques américaines, y compris des éditeur-trices, des galeries, des salles de spectacle, des magazines, des librairies, des collectifs, des festivals et des agences, ont approuvé le boycott culturel d’Israël.
  • Le cinéma de Gérone a annulé le festival du film et de la télévision israéliens Seret, parrainé par l’ambassade d’Israël et le ministère de la Culture, après un engagement privé de groupes catalans.
  • Eurovision : Les ministres belges de la Culture ont appelé à bannir Israël de l’Eurovision, tout comme plus de 4 000 artistes, dont plus de 1 000 artistes dans le pays hôte, la Suède. La plus grande soirée de projection de l’Eurovision à Londres fait partie des événements annulés en raison de la participation d’Israël.
  • Plus de 100 artistes ont boycotté South by Southwest (SXSW) au Texas (États-Unis) pour son partenariat avec l’armée américaine et les fabricants d’armes qui arment le génocide mené par Israël.
  • Des dizaines de milliers d’artistes ont appelé au cessez-le-feu, à la justice et à l’obligation de rendre des comptes à travers des dizaines de lettres et d’initiatives, notamment dans les domaines de la musique, des arts visuels, du cinéma, de la littérature et bien plus encore.
  • Jeux olympiques : des pétitions appelant à bannir Israël des sports internationaux ont recueilli plus de 280 000 signatures. Vingt-six députés français ont appelé le Conseil International Olympique à sanctionner Israël.
  • FIFA : La Fédération de football d’Asie de l’Ouest a appelé à suspendre l’adhésion d’Israël à la FIFA, et les appels à exclure Israël des Jeux Olympiques prennent de l’ampleur dans le monde entier.
  • Le comité exécutif de la Fédération européenne de gymnastique a décidé que Tel Aviv n’accueillera plus les Championnats d’Europe de gymnastique artistique 2025.
  • Les Championnats d’Europe de water-polo de 2024 ont été déplacés hors d’Israël.
  • 4 000 artistes queer se sont engagés à ne pas se produire ou exposer leurs œuvres en Israël. La plus ancienne organisation LGBTQ+ des États-Unis a appelé à la fin du #GazaGenocide. Dix cinéastes queer se sont retiré-es du festival du film LGBTQ+ parrainé par le gouvernement israélien. La National Student Pride au Royaume-Uni a abandonné ses sponsors israéliens complices de l’apartheid et du génocide.

[1] Le statut d’observateur (ou observer status en anglais) est un statut accordé à une entité, telle qu’un pays, une organisation internationale ou une entité non étatique, qui lui permet de participer à certaines réunions, discussions ou activités d’une organisation internationale sans avoir le plein statut de membre. Les observateurs peuvent généralement assister à des réunions, soumettre des déclarations et des propositions, mais n’ont souvent pas le droit de voter ou de participer activement à la prise de décision de l’organisation. Ce statut est souvent accordé à des entités qui ont un intérêt particulier dans les travaux de l’organisation mais qui ne remplissent pas toutes les conditions nécessaires pour devenir membres à part entière.

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2024-03-24 La FIDH rejoint le mouvement global pour la reconnaissance de l’apartheid de genre comme crime de droit international

Le 23 mars 2024, le Bureau international de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) – son corps élu composé de défenseur·es des droits humains originaires de tous les continents   a adopté à la majorité une résolution alignant l’organisation au mouvement global appelant à la reconnaissance du crime d’apartheid de genre en droit international.

Paris, 28 mars 2024. Reconnaissant le travail considérable initié et réalisé ces dernières années par des féministes, des universitaires et des expert⋅es du monde entier, la FIDH est convaincue qu’il est temps d’élargir la définition du crime d’« apartheid » pour y inclure des situations dans lesquelles l’oppression est dirigée contre un ou plusieurs groupes de genre spécifiques, comme c’est le cas en Afghanistan pour les femmes et les jeunes filles. La FIDH estime de façon plus générale que l’apartheid de genre est le crime le plus approprié pour caractériser les situations où il existe une discrimination institutionnalisée et systématisée sévère.

Avec ses organisations membres, la FIDH est depuis longtemps engagée dans la lutte contre l’impunité et l’accès à la justice pour les victimes de crimes internationaux devant les juridictions nationales, régionales et internationales. Malgré de nombreux obstacles, des progrès notables ont été réalisés grâce à l’évolution des lois et des pratiques et à l’interprétation progressive d’un corpus juridique international vieillissant, y compris en ce qui concerne les violences sexuelles et basées sur le genre. En adoptant cette résolution, la FIDH souligne la nécessité de veiller à ce que le droit international continue d’évoluer et de refléter de nouvelles réalités.

« L’oppression, la ségrégation et la discrimination généralisées auxquelles sont confrontées les femmes et les filles en Afghanistan depuis le retour illégal des Talibans au pouvoir en 2021 nous ont fait prendre conscience du fait que les lois internationales actuelles ne suffisent pas à décrire de manière adéquate des situations d’une telle gravité. La reconnaissance du crime d’apartheid de genre comblerait une lacune dans le droit international et contribuerait à une plus grande redevabilité des responsables », déclare la vice-présidente de la FIDH et directrice exécutive d’Open Asia – Armanshahr Guissou Jahangiri.

La FIDH soutient le fait que les situations de discrimination à l’encontre des membres d’un certain genre, en particulier les femmes, les filles et les personnes LGBTQI+, puissent faire l’objet de poursuites en vertu du droit international, notamment au titre du crime contre l’humanité de persécution basée sur le genre. Cependant, le crime de persécution basée sur le genre, ainsi que les autres crimes existants, ne sont pas suffisamment en adéquation avec les situations où un régime généralisé et institutionnalisé d’oppression et de discrimination est établi, avec l’intention de le maintenir.

« Pour que les victimes aient une chance d’obtenir justice, pour que les auteures soient tenues responsables, il est nécessaire de disposer d’un crime qui reflète véritablement la gravité et la singularité des situations qui présentent les caractéristiques de l’apartheid de genre. Notre décision, celle de nous aligner sur le mouvement visant à codifier l’apartheid de genre comme un nouveau crime en vertu du droit international, reconnaît les expériences vécues par les victimes et les survivant·es et la nécessité d’adapter le droit international », déclare Alice Mogwe, présidente de la FIDH.

Cette résolution de la FIDH arrive à un moment critique, alors que d’importantes discussions se tiennent actuellement sur le projet de Convention sur les crimes contre l’humanité, qui représente une opportunité clé et propice de codifier le crime d’apartheid de genre. La FIDH espère que davantage de parties prenantes soutiendront l’important mouvement en faveur de la reconnaissance de ce crime.

En attendant que le crime d’apartheid de genre soit inclus et défini dans le droit international, la FIDH reste déterminée à utiliser tous les outils juridiques actuellement disponibles pour rendre justice aux victimes du monde entier et soutient la proposition de définition suivante de l’apartheid de genre : « par crime d’apartheid on entend des actes inhumains analogues à ceux que vise le paragraphe 1 [de l’article 2 du projet de Convention sur les crimes contre l’humanité], commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux, ou d’un groupe de genre sur tout autre groupe de genre ou tous autres groupes de genre, sur la base du genre, et dans l’intention de maintenir ce régime. »

 

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2024-03-26 Une experte de l’ONU accuse Israël d’« actes de génocide » à Gaza

Rapporteure spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese affirme dans un rapport qu’« il existe des motifs raisonnables de croire que le seuil indiquant qu’Israël a commis un génocide est atteint » à Gaza.

 « Si« Si le terme de génocide est chargé politiquement, sa définition légale n’appartient pas seulement au peuple juif. Avant eux, les Allemands avaient déjà commis un génocide contre le peuple des Héréros en Namibie [entre 1904 et 1908 – ndlr]. Je comprends combien le débat est délicat. Mais c’est justement parce que la leçon du génocide contre les juifs a été forte que nous avons une responsabilité collective à reconnaître quand ce crime peut se dérouler ailleurs. »

C’était le 28 décembre dernier. Dans Mediapart, l’avocate italienne Francesca Albanese, depuis 2022 rapporteure spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens occupés, estimait que la définition du génocide inscrite à l’article 2 de la convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide s’appliquait au cas de Gaza.

Consciente de la charge de ce terme juridique, qui est aussi une arme politique au cœur de vives polémiques, la juriste défendait son usage ainsi que celui d’une autre formule : « nettoyage ethnique ». Elle réaffirme, trois mois plus tard, l’emploi de ces deux termes dans un rapport qu’elle a présenté mardi 26 mars à Genève (Suisse), devant le Conseil des droits de l’homme, l’organe des Nations unies qui la mandate mais au nom duquel elle ne s’exprime pas.

Publié la veille de sa présentation, le jour où pour la première fois depuis bientôt six mois de guerre, le Conseil de sécurité de l’ONU est parvenu à adopter une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat, le document de 25 pages conclut qu’« il existe des motifs raisonnables de croire que le seuil indiquant qu’Israël a commis un génocide est atteint » à Gaza contre le peuple palestinien.

La chercheuse italienne, qui évoque « un traumatisme collectif incalculable qui sera vécu pendant des générations », liste et développe trois actes de génocide envers le « groupe » que forment les Palestinien·nes : « meurtre de membres du groupe », « atteintes graves à l’intégrité physique et mentale de membres du groupe », « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ».

« Logique génocidaire »

Selon elle, « la nature et l’ampleur écrasante de l’assaut israélien sur Gaza et les conditions de vie destructrices qu’il a causées révèlent une intention de détruire physiquement les Palestiniens en tant que groupe ». Plus largement, poursuit la juriste, « ils indiquent également que les actions d’Israël ont été motivées par une logique génocidaire inhérente à son projet colonial en Palestine, signalant une tragédie annoncée ».

L’experte indépendante de l’ONU affirme que « les actes génocidaires ont été approuvés et mis en œuvre à la suite de déclarations d’intention génocidaire émises par de hauts responsables militaires et gouvernementaux ». Elle cite notamment « la rhétorique génocidaire au vitriol » de plusieurs hauts responsables israéliens dotés d’une autorité de commandement, parmi lesquels le président Isaac Herzog, le premier ministre Benyamin Nétanyahou, le ministre de la défense Yoav Gallant (qui a qualifié les Palestiniens d’« animaux humains »), et « des décennies de discours déshumanisant les Palestiniens ».

« Déformant les règles coutumières du DIH [droit humanitaire international – ndlr], y compris la distinction, la proportionnalité et les précautions, Israël a de facto traité l’ensemble d’un groupe protégé et ses infrastructures vitales comme des “terroristes” ou des “soutiens au terrorisme”, transformant ainsi tout et chacun en cible ou en dommage collatéral, donc tuable ou destructible, écrit Francesca Albanese. De cette manière, aucun Palestinien à Gaza n’est par définition en sécurité. Cela a eu des effets dévastateurs et intentionnels, coûtant la vie à des dizaines de milliers de Palestiniens, détruisant le tissu social à Gaza et causant un préjudice irréparable à l’ensemble de sa population. »

Pour un embargo sur les armes

Pour l’avocate, qui ajoute un rappel historique, « le génocide israélien contre les Palestiniens à Gaza est une étape d’escalade d’un processus d’effacement colonial de longue date » dans ce territoire occupé depuis 1967. « Pendant plus de sept décennies, dénonce-t-elle, ce processus a étouffé le peuple palestinien en tant que groupe – démographiquement, culturellement, économiquement et politiquement –, cherchant à le déplacer, à exproprier et à contrôler ses terres et ses ressources. »

Francesca Albanese demande aux États membres de mettre « immédiatement » en œuvre un embargo sur les armes contre Israël, pays qui ne respecte pas les mesures contraignantes ordonnées par la Cour internationale de justice (CIJ) il y a deux mois, le 26 janvier 2024. Les juges, sollicités par l’Afrique du Sud (qui a de nouveau saisi le 6 mars la CIJ devant les risques de famine à Gaza), avaient alors évoqué un risque « plausible » de génocide des Palestinien·nes à Gaza et exhorté Israël à ne pas commettre d’actes génocidaires et à punir toute incitation au génocide.

Pour réaliser cette enquête, Francesca Albanese, qui rappelle condamner « fermement » les atrocités commises par le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens le 7 octobre 2023, explique s’être appuyée « sur des données et des analyses d’organisations sur le terrain, sur la jurisprudence internationale, des rapports d’enquête et des consultations avec les personnes concernées, les autorités, la société civile et les experts ».

Un rapport critiqué

La rapporteure de l’ONU n’a pu accéder au terrain, Israël lui en interdisant l’accès, « comme à tous les rapporteurs spéciaux pour les territoires palestiniens depuis 2008 ! », dénonce-t-elle. L’Etat hébreu avait annoncé en février lui avoir interdit l’entrée sur son territoire après qu’elle ait critiqué sur le réseau social X, les propos du président français Emmanuel Macron décrivant l’assaut du Hamas sur le sol israélien comme « le plus grand massacre antisémite de notre siècle ».

Francesca Albanese avait affirmé sur X que « les victimes du 7/10 n’ont pas été tuées à cause de leur judaïsme, mais en réaction de l’oppression d’Israël ». Ses propos avaient suscité une controverse. Michèle Taylor, ambassadrice des États-Unis auprès du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, avait dénoncé des déclarations « inacceptables et antisémites ».

Francesca Albanese s’était défendue de tout antisémitisme : « Je rejette tout racisme, incluant l’antisémitisme, une menace globale. Mais expliquer ces crimes comme de l’antisémitisme obscurcit leur vraie cause », avait-elle plaidé.

Salué par les uns, notamment par plusieurs ONG qui appellent les États membres à faire respecter le cessez-le-feu adopté lundi 25 mars, à l’image d’Amnesty International qui loue « un travail crucial qui doit servir d’appel vital à l’action auprès des États », le rapport de Francesca Albanese est aussi vilipendé. La représentation israélienne auprès des Nations unies à Genève a « totalement rejeté le rapport » et affirmé dans un communiqué qu’il fait partie « d’une campagne visant à saper l’établissement même de l’État juif ». 

Invité à réagir, le ministère des affaires étrangères français a, pour sa part, rappelé que « Mme Albanese n’engage pas le système des Nations unies ». « Nous avons eu l’occasion par le passé de nous inquiéter de certaines de ses prises de position publiques problématiques et de sa contestation du caractère antisémite des attaques terroristes du 7 octobre dernier », a déclaré le porte-parole adjoint Christophe Lemoine. Concernant la qualification de génocide, il a renvoyé aux déclarations passées du Quai d’Orsay. « Accuser l’État juif de génocide, c’est franchir un seuil moral », avait répondu en janvier le ministre français des affaires étrangères Stéphane Séjourné.

Rachida El Azzouzi

 

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2024-03-26 Cessez-le feu immédiat !

Le Conseil de sécurité de l’ONU a enfin adopté une résolution exigeant un cessez-le-feu immédiat à Gaza.

Il aura fallu plus de 32 000 morts et plus de 10 000 disparus sous les décombres, dont 70% de femmes et d’enfants, deux millions de personnes déplacées de force, la bande de Gaza en ruine, la population soumise à la famine et privée de soins, il aura fallu presque 6 mois d’horreur absolue pour qu’enfin les États-Unis ne mettent plus leur veto à ce cessez-le-feu attendu avec tant d’espoir par une population qui n’en peut plus. Il faut que cesse « ce cauchemar sans fin » déclarait il y a deux jours Antonio Guterres, à la porte de Rafah.

À noter que les États-Unis n’en ont pas pour autant décidé de cesser d’armer Israël, ce qui relève d’une belle hypocrisie.

La résolution exige un cessez-le-feu immédiat pour le mois de ramadan, respecté par toutes les parties, conduisant à un cessez-le-feu durable : l’exigence est bien celle d’un cessez-le-feu durable.

La résolution exige également la libération immédiate et inconditionnelle des otages et demande aux deux parties de respecter leurs obligations envers les personnes qu’elles détiennent. Cela concerne les otages mais bien évidement les milliers de prisonniers politiques palestiniens détenus en violation de toutes les règles du droit international et victimes d’exactions d’une extrême gravité dont Israël devra rendre compte.

La réponse d’Israël ne s’est pas fait attendre : « Nous ne cesserons pas le feu ! » a déclaré immédiatement le ministre des Affaires étrangères israélien. Ne cachant pas sa colère, Netanyahou a annulé une délégation qui devait se rendre aux États-Unis pour discuter de l’opération terrestre à Rafah. Opération terrestre toujours à l’ordre du jour à l’évidence : Israël s’enkyste dans sa logique de génocide et de nettoyage ethnique et n’entend toujours pas respecter ses obligations. Israël continue de bombarder la population civile dans toute la bande de Gaza avec les dizaines de morts heures après heures.

Le Hamas de son côté, a publié une déclaration saluant l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, affirmant qu’il « est prêt à procéder à des échanges immédiats de prisonniers des deux côtés ».

Cette résolution doit maintenant se traduire dans les actes. Les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sont contraignantes, les États se doivent de les appliquer, Israël n’en n’est pas exonéré. Pourtant il continue de provoquer ses « amis » et à violer le droit comme on a pu le voir ce 22 mars avec la confiscation de 800 hectares de terres palestiniennes dans la vallée du Jourdain.

Chacun le sait, sans contrainte, Israël ne respectera pas cette résolution, pas plus que les précédentes. Les États doivent passer aux actes ! Embargo diplomatique, militaire et économique, suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël. Les sanctions, c’est maintenant ! Il est plus que temps également d’appliquer le droit en interdisant les produits des colonies dans nos magasins !

Nous invitons la France et les pays de l’Union européenne à répondre à l’appel du président colombien qui invite les nations du monde à rompre les relations diplomatiques avec Israël s’il ne respecte pas le cessez-le-feu exigé par le Conseil de sécurité des Nations unies. Israël ayant annoncé que non seulement il n’appliquerait pas la résolution mais qu’il continuerait le génocide à Gaza, la France doit convoquer l’ambassadeur d’Israël et rappeler son ambassadeur actuellement en poste en Israël.

Le Bureau National de l’AFPS, le 26 mars 2024

Photo : Riyad Mansour, observateur permanent de l’Etat de Palestine aux Nations unies, et délégués, après l’adoption de la résolution 2728, le 25 mars 2024 © UN Photo/Loey Felipe/UN71031378

 

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2024-03-21 Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale : mettre fin au génocide et à l’apartheid israélien

Un génocide est en cours à Gaza, Israël a entrepris d’effacer un peuple, le peuple palestinien contre lequel il a mis en place, et maintenu, au fil des décennies un régime institutionnalisé d’oppression et de domination raciale constituant – selon l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale – un crime d’apartheid.

Les crimes d’apartheid et de génocide sont les formes les plus violentes de discriminations raciales.
Le génocide s’inscrit dans la continuité du régime d’apartheid, qui a fait des Palestiniens des sous ou des non-citoyens et les a déshumanisés pour mieux les opprimer et les déposséder.

Pour instaurer et maintenir ce régime de domination sur le peuple palestinien, Israël a promulgué depuis 1948 toute une série de lois : lois sur la citoyenneté et l’entrée sur le territoire, lois sur le droit à la terre, à la propriété et à l’autodétermination, et en juillet 2018 la loi sur l’État nation du peuple juif.

Toutes ces lois instituent des discriminations raciales entre Palestiniens et Israéliens de « nationalité juive » : sur l’ensemble du territoire contrôlé par Israël, de la Méditerranée au Jourdain, ils n’ont pas les mêmes droits.

Ce régime d’apartheid fonctionne par la division géographique et politique du peuple palestinien en catégories juridiques distinctes créées par Israël : les Palestiniens citoyens d’Israël, ceux de Jérusalem, les Palestiniens vivant dans le territoire occupé, les réfugiés et les exilés.

Israël a consolidé et maintenu ce régime d’apartheid avec des restrictions imposées à la liberté de mouvement, de résidence et d’accès à certaines zones du territoire palestinien, avec le refus du regroupement familial pour les Palestiniens, avec la création d’un environnement coercitif pour les contrôler et les réprimer. Démolitions illégales de maisons, expulsions et déplacements forcés de populations ont complété les pratiques destinées à s’emparer des terres et des biens des Palestiniens.

Les discours de haine et d’incitation à la haine raciale ont créé un environnement qui a ouvert la voie au génocide. Aujourd’hui le génocide en cours ajoute une page d’une barbarie sans nom à l’oppression des Palestiniens et la dépossession de leur terre et de leurs biens.

Les Palestiniens de Gaza ont vécu pendant plus de 16 ans sous un blocus inhumain. Enfermés, invisibilisés et déshumanisés, privés des droits élémentaires par le régime d’apartheid israélien, ils sont maintenant victimes d’un génocide en cours. Mourir sous les bombes ou de famine et de défaut de soins, voilà la seule incertitude qui leur est laissée. Et c’est à la fois par la volonté génocidaire d’Israël et par la complicité active ou passive de la communauté internationale que cette atrocité est possible !

Le crime de génocide, tout comme celui d’apartheid n’a été rendu possible en effet que par l’impunité dont jouit Israël. En cette Journée internationale pour l’élimination des discriminations raciales, l’AFPS tient à rappeler que la communauté internationale a pour obligation de tout faire pour empêcher les crimes d’apartheid et de génocide. Faute de quoi les États et leurs dirigeants pourront être tenus pour complices de ces crimes.

Cela doit se traduire par des actes immédiats : les mots doivent se traduire en actes, MAINTENANT. Des sanctions contre Israël doivent être prises MAINTENANT à commencer par un embargo militaire mais aussi des sanctions économiques et diplomatiques et la suspension de l’accord d’association entre Israël et l’Union européenne.

Les citoyens eux, ont pris leurs responsabilités depuis longtemps en participant à la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions. C’est notre réponse à l’apartheid et au génocide.

Au génocide et à l’apartheid, nous opposons l’égalité des droits afin que le peuple palestinien puisse faire valoir enfin son droit à l’autodétermination.

Le Bureau National de l’AFPS, le 21 mars 2024

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